Cela va sembler surprenant à la lecture de cette chronique, mais je ne ramène quasiment jamais rien de voyage. Il m’arrive d’acheter des cartes postales d’art, ou à la rigueur des choses utiles comme une paire de moufles en Estonie, mais les bibelots, les babioles, les souvenirs de voyage classiques, les petites cuillères gravées et les coquillages peints, ce n’est pas vraiment mon rayon.
Je suis un peu chagrinée qu’en français, on amalgame les « souvenirs ». Que le même mot désigne un objet physique qu’on ramène d’un voyage, pour soi ou autrui – et le signal électrique associé à une impression forte dans notre cerveau. Qu’on galvaude les sensations par du matérialisme, qu’on les place sur le même plan, comme si un objet pouvait résumer l’expérience d’un voyage. Snobisme de ma part ? Sans doute. Pourtant, en Chine, en Corée et au Japon, j’ai ramené plus que tous mes voyages de ces dix dernières années – ce qui n’est bien difficile, puisque je n’ai quasiment rien ramené ces dix dernières années.
Pendant longtemps, je me ramenais des classiques de la littérature du pays visité, mais ces derniers voyages, trouver des livres traduits en anglais ou en français n’était pas chose facile, et j’ai abandonné. Au début des années 2010, après plusieurs valises égarées, j’ai pris la décision de me contenter de voyager léger, avec pour simple bagage une valise de taille cabine. Qui dit « taille cabine » dit « l’essentiel ». Si je peux y glisser confortablement plusieurs tenues, une paire de chaussures et ma trousse de toilette, je ne peux plus vraiment mettre autre chose. Je mentirais en disant que ça ne m’arrange pas un peu. Finie, la pression de ramener des souvenirs à la famille, aux amis, à l’espace de coworking. Je me la mettais sans doute toute seule, cette pression. Mais si ces dernières années, sauf si on me passait commande ou idée inspirée pour Etienne ou ma mère (souvent des produits comestibles), je ne ramenais jamais rien à personne, et encore moins à moi-même.
Et pourtant. En Asie, j’ai complètement craqué. Tout était mignon ! Tout était adorable ! Tout était littéralement irrésistible. En Corée, tout était bon marché (on ne peut pas en dire autant au Japon) ! J’ai été saisie d’une frénésie d’achats, comme si on avait ouvert un barrage impossible à refermer. Je me suis surprise moi-même. Dans la plus pure tradition du « haul » des vlogs, voici ce que j’ai ramené.
Des KitKats. Un classique des souvenirs comestibles du Japon. Goût saké, goût thé vert de Kyoto, goût cheesecake à la fraise. Depuis qu’on trouve les KitKat au thé vert au supermarché à Moncton, il fallait que j’aille vers quelque chose de plus exotique, non ?
Des Pocky (que vous connaissez peut-être sous le nom de Mikado). Un grand classique de la Corée, cette fois, au point qu’il y a même un « Pocky Day », le 11 novembre. Goût thé vert, fromage et latte.
Des livres. The Story of Hong Gildong, un roman d’aventure coréen du XIXe siècle, que je connaissais indirectement à travers des manwha. Et le recueil poétique Japanese Death Poems, un vrai délice qui mêle haiku et mort – tout ce que j’aime !
Des chaussettes. Si on n’est pas dans le souvenir pratique, là ? Ne me demandez pas pourquoi, mais en Corée, il y a des chaussettes mignonnes absolument partout. Je ne sais pas s’il s’agit d’une mode passagère ou d’une constante, mais il y avait énormément de magasins consacrés uniquement à des chaussettes toutes plus kawaii les unes que les autres.
Des babioles. Des baguettes en bois, des bonnets en peluche avec les oreilles qui bougent par un savant mécanisme caché dans les pattes (pour des enfants d’amis, évidemment), des amulettes shinto.
Des objets à l’effigie des akita et shiba-inu, ces chiens japonais qui ont manifestement remplacé les chats dans le coeur des Asiatiques. J’ai complètement craqué pour ces petits chiens et j’ai donc ramené des porte-monnaies, des cartes, des autocollants, des chaussettes, des marque-pages… à leur image. Heureusement, certains sont des cadeaux.
Un furin. Ce carillon en métal japonais s’accroche sous le toit pour faire un joli tintement dans la brise. Je n’ai pas encore accroché le mien, mais maintenant que les beaux jours sont là, ça ne saurait tarder.
Les babioles qu’on nous a donnés en souvenir lors de notre passage au temple de Bulguksa : aimants pour le frigo, carnets, et un chapelet de 107 perles fait à la sueur de notre front.
Voilà ce que j’ai ramené de Corée et du Japon. Pour être honnête, on s’est tellement encombrés qu’on a dû s’envoyer un colis avec tous nos achats, faute de quoi, on n’aurait vraiment pas eu assez de place dans nos valises. Je m’afflige un peu à vous avouer tout ça…
Mais ce n’est pas tout.
Surtout, j’ai ramené des centaines d’impressions. Des moments fugaces qui finiront par disparaître de ma mémoire. Des rires, de l’incompréhension, de la surprise.
J’ai ramené le jour de pluie où j’ai découvert l’existence de l’emballe-parapluie automatique dans les restaurants.
J’ai ramené le jour où je suis allée toute seule dans un jjimjilbang de quartier où aucune Occidentale n’était peut-être jamais allée, et mon incompréhension incroyablement comique après avoir demandé un gommage et reçu un concombre.
J’ai ramené le goût des petits gâteaux de riz soufflé sucré aux algues que m’a donnés une vieille dame coréenne dans le métro, après m’avoir dévisagée de haut en bas.
J’ai ramené les 107 prosternations dans un temple bouddhiste dans les montagnes coréennes.
J’ai rapporté la chaleur du sable du sud de la Corée.
J’ai ramené le jour où on a trouvé une peinture des canaux de notre bonne vieille Annecy accrochée au mur d’une pizzeria de Busan, que les propriétaires prenaient pour une ville espagnole.
J’ai ramené le rire d’un Japonais venu nous chanter « Aux Champs-Élysées » dans un parc de Kyoto.
J’ai ramené l’émerveillement des sièges tournants du train entre l’aéroport d’Osaka et Kyoto.
J’ai ramené tous les menus auxquels on n’a rien compris, toutes les déconfitures, tous les plats anonymes mais délicieux.
J’ai ramené le jour où on a essayé des costumes traditionnels coréens, et où on a bien fait rire les badauds.
J’ai ramené notre rando improvisée sans carte et ni destination dans les montagnes près de Kyoto, tout ça pour arriver dans un temple classé à l’Unesco.
J’ai ramené les boutiques d’otaku d’Osaka, et ce temple délirant avec une tête de tigre en béton de plusieurs mètres de haut.
J’ai ramené les gloussements des deux filles qui ont voulu prendre un selfie avec nous sur la place Tien An Men.
J’ai ramené les lumières que les lampions du temple de Bulguksa ont laissé dans mes yeux.
J’ai ramené toutes les mamies randonneuses de Corée, avec leur équipement de compétition et leurs ramen instantanés sur les sentiers.
J’ai ramené toutes les publicités et émissions délirantes à la télé coréenne, et le spot avec un adorable chien policier qui faisait de la muscu dans le TGV coréen.
J’ai ramené ce sentiment d’exaltation et de gratitude incroyable à chaque fois que j’allumais mon ordinateur pour travailler depuis ces pays lointains.
J’ai ramené la saucière de mixture pimentée qu’on a voulu nous faire ingérer avec notre plat « not spicy », et dont une goutte a failli nous faire faire un arrêt cardiaque.
J’ai ramené les fous rires sous cape en voyant que nous étions toujours les seuls à ne pas être absorbés par notre téléphone dans le métro, dans les temples, au sauna.
J’ai ramené le calme d’une cérémonie du thé.
J’ai ramené tous les kimonos des rues de Kyoto et tous les hanbok des rues de Séoul.
J’ai ramené le jour où on est allés voir une finale mondiale de jeux vidéo dans un stade comble, inaugurée par un concert de K-pop dans le soleil couchant, et le pétillement dans les yeux d’Etienne.
J’ai ramené les couleurs des érables et des ginkos flamboyants dans cet automne d’une douceur infinie.
Et tellement d’autres choses encore…
Et tellement d’autres instants, des éphémères, des impossibles à raconter, des interstices, des failles spatio-temporelles, des tranches de vie, des moments que je finirai par oublier mais qui resteront malgré tout avec moi bien plus longtemps que toutes les chaussettes mignonnes de la terre.
Et vous, qu’est-ce que vous aimez ramener de voyage ? Des souvenirs physiques, des souvenirs dans votre tête, des livres, des photos, tout ça à la fois ? Venez me raconter tout ça dans les commentaires ! Oyez, oyez. Ce billet contient des liens affiliés.
J’ai des amis qui ne ramènent pas beaucoup de choses en général et qui ont aussi totalement craqué au Japon ! Personnellement, je ne suis encore jamais sortie de mon vieux continent, mais en général, je me ramène toujours une carte postale d’où je vais, j’ai une petite collection, un magnet pour les grosses villes où je reste un certain temps ou juste le pays si j’ai plus fait plein d’endroits différents. Après, ça dépend si quelque chose me tape dans l’œil, est est original et introuvable chez moi. Je ramène souvent des choses sucrées, je suis très gourmande. Je reviens souvent avec pas mal de dépliants, pour avoir des bases pour mes articles et hormis des photos évidemment. Et plein de souvenirs dans ma tête évidemment, qui sont souvent consolidés par les photos et les recherches que je fais pour mes articles. 🙂
J’oubliais les dépliants ! J’en ramène toujours une palanquée pour me souvenir de ce que j’ai visité ! Tu me rassures avec ts amis qui ont craqué eux aussi au Japon, ce pays est rempli de tentations (après, je suis une japanophile convaincue, il n’en faut pas beaucoup…). Et les souvenirs sucrés, c’est un grand classique 😉
Hello,
Je viens tout juste de découvrir votre blog 🙂 Personnellement, quand je pars en vacances, j’ai tendance à ramener beaucoup de souvenirs. Je dirai même que c’est quelque chose de primordial pour moi. C’est vrai que ce que vous avez acheté est très mignon.
Le Japon et la Corée sont très forts pour créer des objets absolument craquants !