Les rochers Hopewell font partie des incontournables au Nouveau-Brunswick : omniprésents dans les brochures, sur les cartes postales, vous les avez peut-être même vus dans les campagnes d’affichage du métro parisien ! C’est que ces cheminées de fées se trouvent dans un cadre unique, celui de la baie de Fundy. Cette baie a le privilège d’être l’endroit où dansent les plus grandes marées au monde, déversant et évacuant chaque jour jusqu’à 16 mètres verticaux d’eau, sur un estran de plus d’un kilomètre ! Comme si cela ne suffisait pas, les dieux autochtones ont décidé de créer les rochers Hopewell, immenses demoiselles coiffées les pieds dans l’eau, qui se laissent approcher deux fois par jour, à marée basse pour les piétons, à marée haute pour les kayakistes. En 2019, j’ai eu la chance de les approcher enfin en kayak, et je vous raconte les deux façons de visiter le parc provincial des rochers Hopewell.
Les rochers Hopewell, côté terre
De l’entrée du parc, en hauteur, on ne voit pas grand chose. C’est à peine si on sait qu’on se trouve sur une falaise. On suit les panneaux religieusement. Il faut compter 1 kilomètre environ, 1 kilomètre de marche dans la forêt. L’eau brune se laisse parfois deviner, tout en bas. Soudain, une éclaircie. Plus de gens, un peu d’agitation sur la droite. Une rampe, une balustrade, l’immensité de la baie de Fundy au loin. Et puis le regard s’accroche en bas. Oh.
À marée haute, les rochers ont les pieds dans l’eau, difficile de se rendre compte de la hauteur de l’eau. Mais à marée basse, on voit des structures fragiles dont on se demande comment elles tiennent vraiment debout. On les qualifie trivialement de « pots de fleurs », mais j’y vois des géants pétrifiés, des golems de sable, des forces de la nature qui tolèrent notre présence entre leurs pieds d’argile. Si le temps est de la partie, il y aura aussi toute une foule de badauds tout aussi émerveillés que vous. Mais résistez à la tentation de descendre par les escaliers. Le site est bien plus grand qu’on ne le croit depuis la plateforme principale, et ce serait dommage de se contenter de cette vue, même si elle est la plus magistrale.
Poursuivons au-delà du café, au-delà de la cabane de Baymount Adventures. Descendons presque jusqu’au niveau de la plage, jusqu’à atteindre une rampe. Notre entrée se fera par la petite porte, mais nous savourerons d’autant plus les quelques anses désertes qui s’y cachent avant de retrouver la foule, bien assez tôt. En attendant, amusons-nous à trouver des paréidolies dans les rochers. Verrez-vous l’éléphant, les amoureux, le raptor, le grand-père (ou un rocher moins célèbre, que certains appellent « la couille molle ») ?
Ces « demoiselles », comme les appelaient les Acadiens, sont formées en conglomérat plus solide qu’il n’y paraît : elles se tiennent là depuis des milliers d’années, surveillant la bonne marche des marées sous leurs coiffes de résineux tenaces. La présence d’arbres au sommet des rochers est une source d’émerveillement sans fin : je suis touchée par l’opiniâtreté de ces arbres bien décidés à rester bien accrochés, pour être aux premières loges du ballet quotidien des marées. Ils sont, en partie, gages de la survie des rochers : sans arbres en couvre-chef, les rochers sont plus exposés à l’érosion et finissent par se désagréger. Il arrive aussi que certains s’effondrent en période de gel, mais c’est heureusement très rare. Selon les Mi’kmacs, les rochers sont des Autochtones transformés en pierre par des baleines qui les maintenaient en captivité, pétrifiés lors d’une tentative d’évasion du joug de ces cétacés.
Poursuivons notre exploration. Le sol est boueux, la mer est loin et file comme le vent si la marée est descendante. Il suffit de marcher le long des falaises, d’admirer les formations rocheuses d’un côté, les algues de l’autre. Nous rejoignons l’Anse aux escaliers, la plus célèbre. Elle est l’arbre qui cache la forêt : derrière elle, plusieurs anses nous attendent, de moins en moins visitée à mesure que l’on s’éloigne. Toutes sont superbes à leur manière. Observez les algues qui attendent le retour de l’eau nourricière. On raconte que toutes les algues sont comestibles, voulez-vous essayer de les croquer ? De près, on voit aussi très bien la base des rochers, sculptée par l’eau.
Si vous allez assez loin, peut-être atteindrez-vous l’escalier de secours, prévu pour offrir un refuge aux imprudents qui seraient piégés par la marée qui monte à toute vitesse : son amplitude est de 10 à 16 mètres verticaux deux fois par jour. En restant une heure sur le site, on voit visiblement l’eau monter ou descendre. Ici aussi, les Mi’kmacs racontent que c’est une baleine qui fait monter ou descendre l’eau en agitant sa queue. Malgré la présence des baleines dans les légendes, celles-ci ne sont visibles que plus bas dans la baie, du côté de St-Andrews ou de l’île de Grand Manan.
En saison, peu de risques d’être piégés par la marée, puisque les guides du parc procèdent à une battue lorsque vient l’heure de laisser l’eau reprendre ses droits. Il est temps de quitter le fond de l’océan à regrets, de laisser la nature faire son oeuvre. Remontons par l’escalier, cette fois. Pour finir la visite, n’hésitez pas à aller admirer en prenant un peu de hauteur : le long du chemin, empruntez les tangentes, explorez le parc pour voir les demoiselles d’un autre œil. J’adore le belvédère de la Grande Anse (Big Cove), un peu à l’écart des foules.
Les rochers Hopewell, côté mer
Si vous venez à marée haute, sans doute verrez-vous avec envie de frêles esquifs naviguer sur l’eau brune entre les rochers. C’est une des activités proposées dans le parc, et je vous la conseille vivement si vous avez un peu de condition physique (et de budget). Slalomer entre les rochers et tutoyer ces géants de pierre est une expérience unique.
Le kayak aux rochers Hopewell une activité très prisée, et mieux vaut réserver en juillet et août. Mais réserver n’est pas gage de sortie : les guides peuvent décider de retarder ou annuler la sortie si le temps n’est pas de la partie. Vous sortirez sous la pluie ou dans le brouillard mais s’il y a du vent, autant ne pas avoir trop d’espoir. Début août, lorsque nous nous sommes présentés sous un soleil radieux, nous avons eu la déception de voir notre sortie annulée pour cause de vent et de vagues trop hautes. Et croyez-moi, vu les vagues que nous avons essuyées lorsqu’enfin, nous sommes allés sur l’eau, la semaine suivante, nous avons mesuré pourquoi les guides avaient annulé la première sortie ! Vues de la rive, elles ne payent pas de mine, mais sur le kayak, même des vagues de 30 cm de haut prennent des airs de montagnes russes quand on est débutants…
Nous voguons en kayak double, le plus léger à l’avant. C’est donc moi qui ai le privilège de faire la figure de proue, et d’essuyer les plus grosses vagues. Littéralement. Dire que je me moquais gentiment en enfilant notre jupe… je suis heureuse d’avoir une protection contre l’eau, et aussi d’avoir gardé mon coupe-vent. Vous l’aurez compris, ma sortie n’est pas de tout repos. Après avoir compris que le kayak ne risque pas de se retourner (souvenez-vous que je suis une vraie trouillarde), je m’amuse même si cela m’oblige à se concentrer davantage sur le maniement du kayak que sur la vue sublime. Etienne, à la proue, se démène tant bien que mal avec le gouvernail. C’est que nous sommes équipés de canots dernier cri, avec pédales et gouvernail pour une meilleure navigation. Vu nos courbatures le lendemain, je suis heureuse qu’on n’ait pas eu besoin de tout donner pour manier notre esquif !
Les guides ont heureusement la grâce de ménager nos petits bras en faisant souvent des pauses stratégiques dans chaque anse, pour nous reposer sous couvert d’explications géologiques et d’anecdotes loufoques. Qui connaît les baleines miniatures de la baie de Fundy, celles qui aiment bondir sur les kayaks verts pour projeter leurs occupants en l’air ? Ou les fameuses vagues de 50 mètres de haut de la baie de Fundy ? (réponse : personne… mais les enfants ou les plus crédules y auront cru l’espace de quelques instants)
Le moment que tout le monde attend, celui qui nous a poussés à nous lancer dans les vagues et la brume au petit matin, c’est évidemment le moment où nous serpentons entre les pots de fleur, sous les arches, dans les petits passages secrets. Certains sont assez étroits pour nous empêcher de pagayer, obligent à s’aider des mains ou de pousse les rochers à la pagaie. Dans ces tunnels cachés, plus besoin de se soucier du gouvernail, il suffit de se laisser brièvement porter. On en profite pour renverser la tête pour admirer la végétation nous regarder d’en haut, les rocs nous contempler en prenant la décision de ne pas tomber aujourd’hui. Ce jour-là, nous étions les pirates de la baie de Fundy, les corsaires du Nouveau-Brunswick, en quête d’un trésor caché dans les anses et les grottes formées par la marée montante.
La sortie dure deux heures, et ce petit laps de temps permet de se rendre compte de la vitesse de la marée. Nous sommes à marée descendante : en deux heures, la baie perd environ un mètre d’eau vertical. Certains passages accessibles en kayak à l’aller ne le sont plus au retour. Je suis stupéfaite de voir à quelle vitesse les graviers apparaissent et la mer se retire méthodiquement.
Infos pratiques
Visiter les rochers Hopewell à pied
- Tarifs en saison : 10 $/adulte, 7,25 $/enfant à partir de 5 ans. Horaires variables selon la saison.
- Billet valable deux jours : pratique pour voir à la fois la marée haute et la marée basse.
- Les chiens sont acceptés.
- À marée basse, je vous conseille de prendre des bottes de jardin ou des chaussons de kayak : le plancher océanique est boueux, c’est peu de le dire.
- Le site est officiellement ouvert de mai à octobre : les cafés, le restaurant, la boutique… sont ouverts de mai à octobre. Il est toutefois possible d’accéder aux rochers hors saison. Les services et le stationnement seront fermés, et il faudra marcher un peu plus depuis la grille, mais c’est possible. À vos risques et périls, évidemment. Vérifiez bien les horaires des marées pour ne pas vous retrouver coincés !!
Faire du kayak aux rochers Hopewell
- Baymount Outdoor Adventures, ouvert de juin à début septembre.
- Réservation obligatoire en juillet-août par téléphone ou en personne.
- Tarif : 69 $/adulte. Interdit aux moins de 12 ans.
- Si le tour débute pendant les heures d’ouverture du parc provincial, vous devrez aussi vous acquitter du droit d’entrée au parc (10 $/adulte).
- Je vous conseille très fortement de prendre les tours à marée haute, qui permettent de naviguer entre les pots de fleurs. Les tours « mid-tide » permettent seulement d’admirer les rochers de loin.
- À prévoir : chaussures fermées et vêtements qui ne craignent pas d’être mouillés. Je n’ai pas regretté mon coupe-vent. Il fait souvent frais dans la baie de Fundy, même s’il fait chaud à Moncton.
- Baymount Outdoors Adventures fournit la jupe de kayak, le gilet de sauvetage et le sac pour laisser son téléphone au sec. Malgré tout, comme vous avez pu le voir, tout est très humide et il n’est pas impossible que votre objectif soit un peu humide. J’ai regretté de ne pas avoir de caméra à fixer sur la tête ou le torse au lieu de rentrer et sortir constamment mon téléphone du sac (je ne plaisante plus avec ça : la dernière fois que je suis sortie sur l’eau sans protéger mon appareil photo, ça s’est mal terminé….
Accéder aux rochers Hopewell
Depuis Moncton, prendre la route 114 sud. Les rochers ne sont qu’à une quarantaine de kilomètres, et accessibles en 45 minutes. Stationnement gratuit sur place.
Où dormir près des rochers Hopewell
- Hopewell Rocks Motel & Country Inn : l’hébergement le plus proche des rochers est un motel correct avec une jolie vue sur la baie de Fundy et une piscine, avec aussi un restaurant traditionnel pour ne pas faire de route le soir. Idéal pour profiter du billet d’entrée valable deux jours et revenir le lendemain. Environ 130 $ la chambre double.
- The Artisan Suites : un bed & breakfast charmant que je n’ai pas essayé personnellement. Environ 170 $ la chambre double.
Si vous avez aimé cette chronique sur le Nouveau-Brunswick, voici d’autres expériences à découvrir :
- visiter Moncton
- visiter les parcs nationaux de Fundy et Kouchibouguac
- aller à la plage sur le littoral acadien
- faire du canot sur la Miramichi
- faire un road-trip d’automne sur la route des Appalaches
- assister à un powwow
Et vous, connaissez-vous les rochers Hopewell ? Aimeriez-vous les découvrir à pied ou en kayak ? Je vous attends dans les commentaires. Oyez, oyez. Ce billet contient des liens affiliés.
Ces rochers sont magnifiques et j’adore comment les arbres arrivent toujours à se nicher dans de petits endroits escarpés ! 🙂
La balade en kayak a l’air superbe, et le fait de voir l’eau descendre et de devoir prendre un autre itinéraire au retour est un fait atypique ! 🙂
Ces petits arbres sont incroyables ! On parle quand même du haut d’un rocher, dans une baie balayée par les embruns et soumise au gel cinq mois de l’année… Je suis vraiment heureuse d’avoir pu voir ce spectacle depuis le ras de l’eau.
[…] https://arpenterlechemin.com/index.php/2019/08/12/rochers-hopewell/ […]
Bonjour Audrey,
Je lisais Le Monde ce week-end et j’ai tout de suite pensé à cette chronique en parcourant les pages du journal. L’Acadie a été nommée destination n°1 par le quotidien ! On y évoque brièvement les rochers Hopewell.
Si tu as envie d’y jeter un oeil, c’est par ici : https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2019/10/11/l-acadie-un-petit-coin-de-paradis_6015105_4497319.html
Tu habites décidément une bien belle province…
Merci pour le lien Esther ! Je file le lire. Je crois que Le Monde est souvent le charme du Nouveau-Brunswick 🙂
Tu sais que je n’en avais jamais entendu parler (la honte) ? Je découvre grâce à toi. Ca a l’air absolument superbe !
Le Nouveau-Brunswick a beau s’ouvrir au tourisme, il reste malgré tout un secret bien gardé. Pas de honte à avoir 😉