Parce qu’il n’y a pas que le Nouveau-Brunswick dans la vie (même s’il suffit souvent à mon bonheur), j’adore aller en Nouvelle-Écosse, notre voisine du sud. Si cette province est surtout connue pour sa capitale Halifax, elle abrite aussi l’une des routes les plus panoramiques au monde : la piste Cabot Trail. Et aux abords du Cabot Trail se cache l’un des sentiers les plus panoramiques au monde : le Skyline Trail. Autant vous dire qu’il y a du niveau avec ce sentier de haute voltige pourtant étonnamment accessible à tous en plein parc national des Hautes-Terres du Cap-Breton, une merveille de paysages suspendus avec un minimum d’efforts. Si le cœur vous en dit, voici un récit de cette randonnée qui reste l’une de mes préférées au Canada.
Pour cette chronique, embarquons dans la machine à remonter le temps. L’été 2017 m’a extrêmement gâtée en ce qui concerne les randonnées. Entre le sommet des Maritimes au parc du Mont Carleton et les sentiers du parc national de Fundy au Nouveau-Brunswick ; et le sentier panoramique Lookout et le sentier inversé de Green Gardens du parc de Gros-Morne à Terre-Neuve, j’ai pu fouler de bien beaux chemins.
À l’automne, la magie se poursuit avec un sentier de caractère : le Skyline Trail, au parc national des Hautes-Terres du Cap-Breton. Au bout de la province, presque un bout du monde, ce sentier frappe d’abord par son parc de stationnement. Habituée aux petites foules de Fundy et Kouchibouguac, j’ai été stupéfaite par ce parking digne d’un Disneyland de la nature, un parking fait pour accueillir des centaines de véhicules. C’est que la piste Cabot, du long de ses 300 km, fait partie des itinéraires panoramiques les plus réputés en Amérique du Nord, et draine des milliers de visiteurs, surtout au moment de l’automne, apogée de la saison. Fait surprenant, début octobre, nous ne sommes que quelques dizaines de voitures, alors même que les feuillages d’automne montrent leur nez.
Le parc des Hautes-Terres du Cap-Breton est un parc vertical, où les routes défient la gravité et les chemins donnent envie de s’envoler. Avec près de 500 mètres de dénivelé, les monts plongent dans l’Atlantique indigo et détournent le regard des routes suspendues à un fil. Ici, les voitures ne doublent pas, la circulation est confinée à une lente procession pour mieux admirer la route sans partir dans le décor. La magie est décuplée à pied, alors que les vallées nous nanifient et que n’importe quelle crête nous donne l’illusion d’être le roi du monde.
Le sentier commence bien. Alors que nous riplorons (rigolons en déplorant) depuis le début du voyage l’absence d’orignal, mythique créature du bestiaire canadien qui se refuse à nous, un orignal gigantesque surgit le plus trivialement possible. À trois mètres des toilettes, sans protocole ni pincettes, à peine le temps de voir son immense fessier qu’il est déjà passé. Une rencontre dont nous nous souviendrons, tant ces bêtes incarnent un autre monde, celui de la forêt mangeuse d’hommes que nous retrouverons quelques jours plus tard. Saviez-vous d’ailleurs que la population d’orignaux se plaît tellement sur l’île du Cap-Breton qu’elle est quatre fois plus importante que ce que l’île peut soutenir ? Responsables de la déforestation, les orignaux ne sont pas que des bêtes étranges : ils tuent littéralement la végétation. Certaines parcelles que nous traversons sur le sentier Skyline sont d’ailleurs conservées hors de portée des orignaux pour étudier l’impact de ces grands herbivores sur la flore locale.
Le sentier Skyline est très bien balisé, c’est le moins qu’on puisse dire. Des milliers de personnes s’y déversent probablement chaque année, à la recherche de « la » photo emblématique du parc (un peu de patience, vous la verrez bien évidemment d’ici quelques paragraphes, je suis une blogueuse qui fait dans l’originalité, moi) Avantage de cette situation début octobre : entre la période des troupeaux estivants et celle des hordes automnales, le chemin est très agréable, relativement peu fréquenté, et fait plus « petite route proprette » que « autoroute en aller simple vers Instagram ». Chemin entre les fougères, passerelle sur les tourbières, panneaux d’information. Un chemin aussi ravissant qu’informatif.
Et puis, une trouée dans les crêtes. Le sentier qui bifurque, la foule qui se densifie. L’impatience qui monte, l’adrénaline de découvrir enfin par nous-mêmes ce lieu qu’on a tant rêvé. La passerelle en bois qui commence à disparaître dans l’horizon. Le sentier qui s’escamote, descend, prend le contre-pied de ce qu’on attend de lui, nous qui voudrions toujours monter. C’est la plongée dans le grand bleu, celui de l’Atlantique et du ciel. Une succession d’escaliers, de plate-formes, un sentier qui dépasse le périmètre autorisé, la crête qui serpente et finit par se fondre avec l’océan.
Malgré le côté passant du lieu avec des badauds fort affairés à prendre la photo qui cartonnera, on peut faire abstraction. Comme au Grand Canyon ou ailleurs, c’est la rançon du succès, et nous-mêmes sommes des parasites sur les photos des autres. La vue est à tomber… littéralement. Un pas de trop avec des étoiles dans les yeux et c’est la dégringolade : il n’y a qu’un escalier, pas de rambarde. Ce n’est pas vraiment dangereux pour les enfants, mais disons que je vous conseille de bien les briefer avant.
Nous nous installons sur une plateforme à l’écart, et tentons de prendre la mesure de ce que nous voyons. À mon niveau photographique, difficile de traduire la verticalité des lieux, l’impression de plonger dans l’océan. [Je demande l’indulgence du jury !].
Impossible de ne pas penser à la Gaspésie. Certes, chronologiquement, notre voyage en Gaspésie n’interviendra que quelques mois plus tard. Mais alors que je rédige ces lignes, je suis toute-puissante et je décrète que là, ces paysages me font penser à la Gaspésie, c’est comme ça. C’est pratique, d’être une narratrice omnisciente, non ?!
LA photo que tout le monde fait. Ne me faites pas de procès, personne n’a été plagié ici : de 1, tout le monde prend cette pose ; de 2, tout le monde au Canada a cette chemise !
Nous reprenons la route pour chercher un endroit calme pour pique-niquer. Une fois le belvédère passé, le sentier redevient un havre de paix. Il forme une boucle et vous seriez bien malavisés de vous en dispenser : certes, le plus beau, le plus intéressant, le plus impressionnant, c’est la partie en escaliers. Mais le reste, c’est aussi ça le parc du Cap-Breton : des sentiers déserts qui s’ouvrent sur un océan de forêts, des arbres à perte de vue sans présence humaine, une plongée dans une végétation intacte comme on en voit peu en Europe.
Nous sommes arrivées un peu tôt pour les feuilles d’automne, mais nous avons un peu temps estival à la place. Nous finissons tranquillement cette randonnée aux reflets fauve et sapin, en une heure à peine. Le ciel est immense, le sentier est d’une paix royale. Au-delà des belles photos, c’est aussi ça, ce que nous cherchons.
Infos pratiques
Accéder au parc national du Cap-Breton
- depuis le Nouveau-Brunswick, prendre l’autoroute 104 Est direction Cap-Breton. Prendre la 105 à Port Hawkesbury puis suivre la direction Chéticamp. Compter environ 5 heures pour rallier Chéticamp.
- depuis Halifax, prendre l’autoroute 102 nord jusqu’à Truro, puis la 104 Est direction Cap-Breton et suivre comme ci-dessus. Compter 4 h 30 pour rallier Chéticamp.
Accéder au Skyline Trail
- depuis Chéticamp, prendre la route Cabot Trail vers le nord (c’est la seule route !). l’entrée du sentier est très bien indiquée sur la gauche, à 20 km
- Attention, les chiens ne sont pas admis sur cette randonnée. En 2017, j’avais fait garder Indiana dans un chenil situé sur Lapointe Road, juste à gauche à la sortie de Chéticamp. Je ne me souviens malheureusement plus de son nom. Demander confirmation à l’office du tourisme. Pour l’anecdote, Chéticamp est une enclave acadienne et vous pourrez être servis en français.
Où dormir près du parc national du Cap-Breton
- aux chalets The Markland : un délice de chalets perdus au bout du monde, pour une détente absolue au bord de l’océan Atlantique. J’en parle plus longuement ici. À partir de 139 dollars.
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- Faire du surf en eaux froides à Laurencetown
- Escapade gourmande : Halifax et ses douceurs
- Escapade gourmande : Wolfville et ses vignobles
- La randonnée de l’angoisse au parc du Cap-Breton
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Et vous, connaissez-vous la piste Cabot ou le parc national du Cap-Breton ? Vous aimeriez faire cette randonnée ? Dites-moi ce que vous en pensez dans les commentaires ! Oyez, oyez. Ce billet contient des liens affiliés.
Tout simplement magnifique, je ne connaissais pas du tout, je suis bluffée ! 🙂