NOUVEAU-BRUNSWICK // Les macareux de Machias Seal Island

Le tourisme animalier au Nouveau-Brunswick est surtout connu pour les baleines de la baie de Fundy. Bien sûr, on peut aussi y croiser phoques et ours, orignaux et cerfs, mais l’attraction animalière la plus insolite de la province est sans nul doute l’observation des macareux. Si on m’avait dit un jour que j’organiserais toute une escapade pour aller observer des oiseaux, je n’y aurais pas cru, mais après avoir vu la colonie de fous de Bassan de l’île Bonaventure ou les oies des neiges près de Québec, il faut croire que je commence à me prendre au jeu. Venez avec moi, on va prendre la route, le traversier, la route et encore un bateau pour aller observer ces petits oiseaux incroyablement mignons.

Bien cachée dans l’abri, je me fais violence pour ne pas sortir la tête. Rien ne bouge dans mon champ de vision hormis des sternes qui passent au loin. Et soudain, l’un de nous s’exclame doucement. « Il est juste à droite ! ». Petit chassé(croisé dans la cabane en tentant de rester le plus silencieux possible. Et puis oui, ce que j’ai sous les yeux, si proche que je pourrais le toucher si j’avais le droit de sortir un bras de l’abri, c’est un macareux. Et je fonds complètement.

Pour voir des macareux au Nouveau-Brunswick, mieux vaut être patiente et prévoyante : ces mignons volatiles ne sont visibles qu’un mois par an sur une île au large d’une autre île dans la baie de Fundy. Autant vous dire qu’il faut réserver longtemps à l’avance et avoir le pied un minimum marin, puisque pour atteindre l’île Machias Seal, il va falloir encaisser quelques heures de bateau.

Il est 12 h 40, nous sommes à notre point de rendez-vous à Seal Cove, sur l’île Grand Manan. Depuis Moncton, nous avons déjà fait deux heures de route et une heure trente de traversier la veille pour nous rendre à destination. Il est temps d’embarquer sur le Day’s Catch (« la pêche du jour »), le bateau qui va nous emmener jusqu’à l’île Machias Seal, à 30 km de là. Les vingt passagers sont accompagnés du capitaine et de deux accompagnateurs, dont un ornithologue. Nous nous mettons tranquillement en route.

Il fait beau, les vagues sont minimes. Il arrive que les croisières soient annulées quand le temps est trop mauvais, ou qu’il soit impossible d’accoster sur Machias Seal en raison de la houle. Une carte sur écran géant nous montre notre avancée ainsi que les nombreux récifs qui constellent cette partie de la baie de Fundy. Elle nous montre aussi très clairement que Machias Seal Island se trouve de l’autre côté de la frontière canado-américaine – petit moment de flottement puisqu’on ne nous a pas dit de prendre nos passeports ? « Pas de souci, l’île est un territoire disputé de toute façon » m’annonce l’un des matelots. Depuis 1812, Canada et États-Unis revendiquent cette île grande comme un mouchoir de poche. Bien qu’elle soit dans les eaux américaines, l’île est dotée de bâtiments scientifiques et d’un phare administrés par le Canada. L’espace de cette excursion, nous n’étions donc ni aux États-Unis ni au Canada, dans une authentique anomalie géographique. Je ne sais pas vous, mais moi, je trouve ça grisant.

« Sunfish ! » Sunfish ! » Le capitaine ralentit et nous nous précipitons tous à tribord. Un gros poisson gris est visible à la surface, un aileron hors de l’eau. ‘est un poisson-lune, ou môle, étrange créature qui peut dépasser une tonne. Un peu auparavant, nous avions déjà vu le dos d’une baleine non loin de nous. Nous ne sommes pas là pour voir de gros animaux marins mais avouez que c’est toujours un plaisir d’en croiser par hasard.

Au bout d’une heure trente, nous arrivons à Machias Seal. Sur les vingt passagers, seuls quinze pourront débarquer : cela semble injuste mais c’est le quota journalier imposé par les autorités pour sauvegarder cette réserve ornithologique. Quinze clients peuvent accoster en provenance du Canada, quinze en provenance des États-Unis. Par un coup de chance incroyable, nous faisons partie des quinze heureux. Nous étions sur liste d’attente depuis ce printemps quand, deux semaines avant l’excursion, deux places se sont libérées. Merci aux personnes qui ont annulé ! Les cinq passagers à ne pas aller sur l’île en feront le tour en barque à moteur. Elles ne verront pas de macareux dans un abri mais d’un peu plus loin, et croiseront les doigts pour que quelques volatiles viennent s’approcher de leur embarcation.

Machias Seal Island, l’unique endroit pour voir des macareux au Nouveau-brunswick

Une fois sur l’île, on ne badine pas. Chacun est muni d’un bâton à brandir pour empêcher les sternes arctiques de nous fondre sur le crâne, et nous rejoignons les abris d’un pas rapide. Je n’ai pas forcément apprécié le côté un peu militaire des transitions sur l’île, mais j’imagine que beaucoup trop de clients se laisseraient distraire par cet environnement insolite : un bout de rocher, un phare, des oiseaux partout, un cadre brut qui donne envie de prendre des photos sans faire attention où on met les pieds – pas idéal en pleine période où les bébés macareux peuvent être partout et surtout sous nos pieds.

Nous sommes quatre par abri d’observation. « Je ne peux pas vous garantir quand, mais je vous garantis que les macareux viendront« , indique notre accompagnateur. Et effectivement. Après dix minutes à les observer de loin en poussant déjà des cris émerveillés quoiqu’étouffés, les macareux se rapprochent peu à peu. D’abord un à moins de cinq mètres, puis moins de deux mètres, puis sous nos meurtrières, suivi d’un deuxième…

Les consignes sont assez strictes : pour ouvrir une fenêtre, il faut au préalable fermer celle d’en face. Ne rien sortir de la l’abri, ni visage ni appareil photo. Ne pas parler à voix haute. Se faire le plus discret possible. Ces consignes tombent évidemment aux oubliettes dès que les macareux se rapprochent, tout excités que nous sommes de voir s’approcher ces petites bestioles adorables.

C’est un régal de les voir en liberté. Ils nous passent constamment au-dessus de la tête, le bec plein de poissons, en route vers leurs petits. Ils sautent d’une pierre à l’autre et marchent en se dandinant. L’un rate son atterrissage, l’autre un de ses sauts. Ils sont parfois immobiles, l’oreille tendue (les macareux ont-ils des oreilles ?) et on se demande alors pourquoi ce grand bec coloré. Cachés sous les rochers, ils poussent des cris étrangement graves qui ressemblent à s’y méprendre à des mugissements.

Nous voyons aussi passer la barque à moteur, en espérant que ses passagers peuvent observer les petits macareux de près, eux aussi. Nous nous relayons aux différentes fenêtres dans notre abri. Il n’y fait pas chaud mais il n’y a pas de siège, seulement une sorte de boîte que nous prenons à tour de rôle. Chacun mitraille comme il peut, même si nous savons tous que les photos de notre téléphone ne seront pas à la hauteur. Je me contente d’habitude très bien de mes photos de téléphone (qui représentent 98 % des photos de ce blog) mais pour une fois, je suis frustrée de ne pas avoir de meilleur matériel. J’ai pris quelques photos avec un vieux hybride avec zoom, comme la photo du dessus, mais bof. Cela vous donne néanmoins une bonne idée du résultat photographique que vous pouvez escompter avec votre téléphone.

Les macareux ne viennent plus aussi près sous nos meurtrières. Nous les entendons très bien au-dessus de nos têtes, en revanche, et nous les voyons aussi sur le toit de l’abri d’à côté ! Et puis au bout d’une heure ou d’une heure et demie, il faut déjà repartir. J’aimerais rester sur cette île, avec les étudiants en science et les gardiens de phare, je ne suis pas rassasiée de ces petits oiseaux. En partant, j’ai un petit pincement au cœur pour les sternes arctiques, les mouettes, les cormorans et autres à qui personne n’a accordé le moindre regard.

Sur le chemin du retour, nous passons par un îlot rocheux bien plus petit qui abrite toute une colonie de phoques. Quel bonheur de les voir se prélasser au soleil. Certains se déplacent en rebondissant sur leur ample bidon avant de se laisser glisser à l’eau, d’autres relèvent à peine la tête à notre approche. C’est la cerise sur le gâteau d’une journée d’observation déjà bien remplie.

Nous arrivons au port vers 18 h. Les chalutiers, eux, sont sur le départ. Nous n’en revenons pas d’avoir vu des macareux, des phoques, une baleine et même cet étrange môle ! L’île Grand Manan nous surprend décidément à chaque visite.

Infos pratiques

Aller sur l’île Grand Manan

• Traversier Coastal Transport : 12 $/adulte et 35 $ par voiture, le tout pour l’aller-retour. La traversée prend 1 h 30. Le traversier relie Black Harbour à North Head. Black Harbour est à environ 40 minutes de Saint Jean et 2 h 30 de Moncton.
• Sept traversées par jour de mi-juin à mi-septembre. Arriver 45 minutes avant le départ au plus tard. Plus d’infos ici.
• Si comme nous, vous allez à Grand Manan avec un chien, il sera accepté sur le pont extérieur du traversier ou devra rester dans la voiture. Le Grand Manan Adventure comporte une petite salle fermée pour s’abriter avec toutou, ce qui n’est pas le cas du Grand Manan V.

Faire la croisière aux macareux

• Une seule compagnie pour y aller : Sea Watch Tours. Voir leur site web ici.
• Les macareux sont visible de fin juin à fin juillet.
• Pour faire cette sortie, il vous faudra prévoir au moins une nuit sur l’île Grand Manan puisque ses horaires ne permettent pas de faire l’aller-retour depuis le continent dans la journée.
• Comptez 165 $/adulte et 165 $/enfant si vous accostez ; 165 $/adulte et 85 $/enfant de moins de 12 ans si vous êtes dans la barque (oui, c’est le même prix pour les adultes)
• Prévoyez de l’eau et des cachets anti-mal de mer.
• Prévoyez aussi une bandoulière, un petit sac ou une poche qui ferme pour votre téléphone/appareil photo : pour débarquer sur l’île Machias Seal, vous aurez besoin de vos deux mains.
• Les chiens ne sont pas autorisés.

Où dormir à Grand Manan

Je vous invite à lire mon guide complet sur Grand Manan (lien juste ci-dessous) pour y trouver plus d’infos sur mon établissement fétiche : les chalets de Castalia Marsh Retreat.

Réservez votre hébergement sur l’île Grand Manan

Si ce billet sur Grand Manan vous a plu, en voici d’autres :

• Grand Manan, le guide complet
• Randonnée sur l’île Grand Manan
• Itinéraire le long de la baie de Fundy

Et vous, avez-vous déjà vu des macareux ? Êtes-vous déjà allées sur l’île Grand Manan ? Je vous attends dans les commentaires ! Oyez, oyez. Ce billet contient des liens affiliés.