Aujourd’hui 22 mai, j’ai le plaisir de souligner la Journée internationale des gothiques ! Née sur la scène musicale gothique en 2009, cette journée a depuis dépassé ses racines musicales pour célébrer toutes les facettes de notre belle et étrange sous-culture. Je ne pouvais pas rater cette occasion de rattacher cette journée au #VoyageGothique en vous présentant un lieu dont je n’ai fait qu’effleurer la surface, à la fois sur place et sur ce blog : le cimetière du Père-Lachaise à Paris. Un lieu mythique par son envergure, par ses célébrités, par la foule qui s’y presse… Attraction incontournable à Paris, ce n’est pas une raison pour le bouder car de nombreuses merveilles vous attendent dans ses allées boisées et tranquilles. Pas morbide pour un sou, plutôt tranquille dès qu’on s’éloigne des tombes célèbres, c’est un lieu emblématique de l’histoire parisienne, que je vous encourage à visiter même si les caveaux et autres stèles vous laissent habituellement de marbre (ha ! je sors…). Voici le récit de notre balade, qui, je l’espère, vous inspirera à aller visiter ce cimetière célèbre.
Par une belle journée de printemps à l’ambiance pas du tout gothique, l’an dernier, je rejoins Paule-Elise et Hélène pour une balade tout à fait normale entre amies : une exploration du Père-Lachaise. Plus précisément, notre truc à nous, c’est plutôt la version Mère-Lachaise, à savoir arpenter les allées à la recherche des tombes d’illustres femmes. Oui, Oscar Wilde, Chopin, Proust, Jim Morrisson, c’est bien beau, mais ça fait un moment qu’on nous rebat les oreilles avec eux. Et les femmes? Invisibilisées jusque dans la mort, alors qu’on trouve de très grandes dames au Père-Lachaise : Edith Piaf, Sarah Bernhardt, Maria Callas, Simone Signoret ou Colette, entre autres, méritent elles aussi le détour, alors qu’elles sont souvent mises à l’écart des circuits guidés dans le cimetière. Nous ne sommes pas allées toutes les saluer, mais notre balade nous amenées à la rencontre, fortuite ou voulue, de certaines d’entre elles.
Nous entrons par l’entrée au niveau du métro Père-Lachaise. Alors que nous nous demandons comment nous allons nous repérer dans les lieux, le sauveur du moment apparaît : un vendeur qui, pour la modique somme de 2,5 €, nous cède une carte du cimetière qui répertorie les célébrités qui y sont inhumées. Une dépense que je conseille vivement ! Il existe des cartes en ligne, comme celle-ci, mais elle sont souvent incomplètes.
Cette partie du cimetière est bordée des caveaux qui contribuent sans doute à rendre les lieux si emblématiques. Je ne trouve pourtant pas d’explications à cette architecture et ne peux que me perdre en conjectures : la densité du cimetière (33 000 tombes en 1830), alliée à l’époque de construction de ces caveaux, en pleine effervescence du style néogothique, sont sans doute à l’origine de ces fins édifices qui s’élancent vers le ciel. Les plus vieux, recouverts de mousse, voire complètement laissés à l’abandon, sont évidemment les plus intéressants, et on ne résiste pas à l’envie de jeter un œil à l’intérieur.
Notre premier arrêt, un peu par hasard sur le chemin Casimir Delavigne, est on ne peut plus de circonstances : Hubertine Auclert, fervente militante féministe, notamment pour le droit de vote des femmes, qui s’est éteinte en 1914. Sa sépulture est décorée d’une statue réalisée par Suzanne Bizard, sculptrice française de la première moitié du XXe siècle. Non loin, plusieurs « filles de la charité » sont enterrées ensemble, comme une juste continuité de leur choix de vie : celles-ci appartenaient à une « société de vie apostolique », organisation religieuse dont les membres ne prononçaient pourtant pas de vœux. Un peu plus tard, seule dans le métro, je réfléchirai au fait qu’il est assez rare de croiser des tombes où le défunt est seule, a fortiori si c’est une défunte. Hormis les cas où une conjointe précède sa moitié dans la mort, les défuntes seules sont souvent enterrées auprès de parents, d’enfants, d’adelphes ou, comme ici, de membres d’une communauté. Je vous laisse méditer sur ce que cela dit des femmes seules dans notre société…
Oh, et si ça vous intéresse, il y a deux petits écrivains juste en face : Honoré de Balzac et Gérard de Nerval. Et un parfait inconnu qui s’est offert la tombe la plus haute de Paris : un obélisque dodu de 20 mètres de haut. Je vous laisse le découvrir sur place.
Sur l’avenue transversale n°1 repose une Edith célèbre, mais pas encore celle à laquelle vous pensez : Edith Lefel, chanteuse de zouk guyanaise décédée en 2003. Pour Edith Piaf, il faut patienter encore un peu. En attendant, nous prenons une tangente pour aller voir la tombe de Sarah Bernhardt, entre l’Avenue transversale 2 et le chemin du Quinconce. Elle est relativement sobre pour une actrice de cette envergure. Déjà, plus de visiteurs nous rejoignent, et leur nombre va croissant en s’approchant de la tombe d’Edith Piaf. Sa tombe est étonnamment contemporaine alors qu’elle est décédée en 1963. J’imaginais sans doute quelque chose de plus rococo, de plus ambitieux, alors que c’est la tombe de Madame-tout-le-monde, et j’en déduis une certaine humilité.
En parlant de Madame-tout-le-monde, les tombes les plus émouvantes ne sont pas les plus grandioses, mais celles de parfaites inconnues, toujours fleuries ou décorées de photos. Le Père-Lachaise n’est pas qu’un cimetière de célébrités, et beaucoup de personnes comme vous et moi y reposent. J’aime ces tombes qui nous appellent à la réserve – malgré les apparences, nous ne sommes pas dans un parc d’attractions mortuaire. Par respect pour ces personnes, je garde ces photos pour moi mais je suis sûre que vous trouverez, vous aussi, cette personne lambda dont la tombe vous laissera émue.
Après avoir surpris des communistes en train de chanter devant le Monument aux espagnols morts pour la Liberté, nous reprenons notre chemin dans une partie vallonnée du cimetière. Prochaine destination : la tombe d’Anna de Noailles. Vous ne connaissez peut-être pas cette poétesse et romancière d’origine roumaine de la Belle-Époque, Ana-Elisaveta Bibescu Basarab Brâncoveanu de son nom de naissance. Elle m’est pourtant chère : elle aimait hiverner sur les bords du Léman à la Villa Bessaraba et mon lycée à Evian-les-Bains portait son nom. Ironie des programmes scolaires, je n’ai jamais étudié aucun de ses poèmes. Voici un extrait d’À la nuit (1901) :
Nuits où meurent l’azur, les bruits et les contours,
Où les vives clartés s’éteignent une à une,
Ô nuit, urne profonde où les cendres du jour
Descendent mollement et dansent à la lune.
Nous cherchons longuement sa sépulture, sans succès. Nous nous fourvoyons sur le chemin du Dragon alors qu’il nous aurait fallu aller sur celui d’à côté, le chemin des Chèvres. En voyant les photos de son tombeau après coup, je crois que nous sommes passées devant sans le voir… Pour autant, le chemin des Chèvres et les environs sont très calmes, en retrait des tombes stars. En ces temps de confinement, Internet (moi compris) a découvert que le Père-Lachaise est habité par toute une faune sauvage, dont une famille d’adorables renards. C’est dire à quel point ce cimetière est un espace vert, au sens le plus pur du terme – ce qui en fait un bien beau cadre pour une dernière demeure.
Pour en savoir plus sur Anna de Noailles, je vous invite à relire mon billet à son sujet ici.
Il est temps de repartir… Ma visite de Notre-Dame de Paris m’attend, et ô combien j’ai eu raison d’acheter mon billet en ce matin du 13 avril 2019. Nous sortons par l’Avenue principale et ratons la tombe de Colette non loin, sur l’Avenue circulaire, dans notre hâte. On repère malgré quelques épitaphes intéressantes et s’ensuit une discussion sur notre épitaphe rêvée. Si vous avez déjà prévu une citation ou un aphorisme pour votre tombe ou urne funéraire, je serais heureuse de la connaître ! Je n’ai rien de fixé mais après avoir lu le fabuleux recueil de poèmes mortuaires japonais Japanese Death Poems, ce haïku est resté avec moi :
Since I was born / I have to die / and so…
Depuis ma naissance / Il me faut mourir / et donc…
(C’est sans doute le bon moment pour préciser que je propose mes services d’ambianceuse pour toutes vos soirées festives.)
Cela dit, si vous pensez encore qu’aller au cimetière entre amies est une idée étrange… On n’a pas l’air heureuses de notre sortie, là ??
Je finis en vous invitant à vous inspirer de notre balade… mais pas trop : le plaisir de ce cimetière gigantesque réside aussi dans le fait de flâner et de méditer sur la mort, présente sous des atours moussus. Contrairement aux Catacombes de Paris, qui donnent à voir une vision désincarnée de l’au-delà, tout en os et crânes aux orbites vides, où la mort est rendue intangible par l’accumulation inimaginable de défunts (on parle de deux millions de Parisiens), l’au-delà du Père-Lachaise est verdoyant, paisible, quasi-tangible. De grâce, n’y allez pas avec une liste de courses pour vrombir en trombe d’une tombe à l’autre. Nous-mêmes n’avions pas beaucoup d’exigences hormis Anna de Noailles et Edith Piaf, les autres sont venues à nous. Allez rendre hommage à quelques célébrités chères à votre cœur ou saluez des inconnues qui s’ennuient entre de rares visites, et musardez le long de petites allées en réfléchissant à votre épitaphe. Bonne journée internationale des gothiques à vous !
Infos pratiques
- Entrée : accès gratuit, il s’agit d’un cimetière encore en activité et non d’un musée. Le respect est d’ailleurs de mise : on évite les selfies intempestifs et les poses de yoga entre les tombes… Vous pouvez acheter un plan à l’entrée pour vous y retrouver parmi les célébrités (2,5 €) ou télécharger une appli.
- Accès : métro 3 Père-Lachaise
- À noter, il est possible d’effectuer des visites guidées du Père-Lachaise, vous pouvez en réserver une classique ici. J’ai aussi repéré les visites féministes de la Mère-Lachaise proposées par la guide indépendante Dédale, pour mieux connaître le matrimoine.
Hôtel gothique à Paris
- Hôtel le Presbytère, 78 rue de la Verrerie, 75004 : je rêve d’aller y dormir ! Déco et mobilier gothique, le tout dans un ancien presbytère, c’est le rêve ! Les chambres en mezzanine ont l’air dingues. Par contre, cela a un prix : environ 200 € la nuit en chambre double. À deux pas de la Tour Saint-Jacques, métro Châtelet ou Hôtel de ville.
Hôtels romantiques (ou pas) à Paris
- Hôtel Tolbiac, 122 rue de Tolbiac, 75013. Un hôtel tout simple dont la réception ne paie pas de mine, mais ma chambre simple était refaite de neuf et confortable. Pour environ 50 € la nuit, on a les sanitaires partagés. Métro Tolbiac.
- Hôtel CitizenM Paris Gare de Lyon, 8 rue Van Gogh, 75012. Après avoir séjourné dans l’hôtel CitizenM Tower of London à Londres, j’ai réservé celui-ci les yeux fermés ! La déco est design et les petites chambres sont de qualité, avec très grand lit et une tablette qui centralise toutes les commandes, des rideaux aux lumières (trouvez le mode Party !!). L’hôtel est littéralement à 200 mètres de la gare. À partir de 125 €/chambre double. Métro Gare de Lyon. Possibilité de prendre sa chambre dès le matin si l’hôtel a des disponibilités !
- Hôtel Belambra City – Magendie, 6 rue Corvisart, 75006. Un hôtel d’affaires qui satisfera des besoins basiques : chambre propre, petit-déjeuner copieux, proximité du métro. J’ai apprécié l’accueil du personnel, souriant à toute heure. À partir de 100 €/chambre double. 600 mètres de la rue Mouffetard. Métro Corvisart.
Si cette chronique vous a plu, je vous invite à lire celles-ci :
Quel chouette souvenir, vraiment, aussi bizarre que cela puisse paraître ! C’est drôle, je trouve pour ma part que la mort est beaucoup plus tangible aux Catacombes, c’est quand même très cru de se retrouver face à des ossements. Alors qu’au Père Lachaise, la verdure et la quiétude des lieux apportent un peu de distance. Comme quoi, chacune a un ressenti très personnel ! Sinon je soutiens ta carrière d’ambianceuse de soirée à fond
« Tu bois quelque chose ? Tu es plutôt inhumation, crémation ou aquamation ? Tu veux des biscuits apéro ? » 😀
Les Catacombes m’avaient laissée un peu déconnectée de ces ossements « épars » : innombrables mais incomplets, je n’arrivais pas vraiment à me représenter les personnes derrière. Mais oui, chacun a son ressenti et il faut absolument faire ces deux visites ! C’est un très bon souvenir pour moi aussi, quelle après-midi agréable !
J’aime beaucoup cet endroit que je ne trouve pas du morbide. D’ailleurs, il n’est pas situé très loin de chez moi et j’aime parcourir ses allées ombragées à la belle saison. On peut aussi y voir de bien jolis points de vue sur la capitale. Et… On y fait toujours une découverte. Pour ma part, j’y ai déjà participé à une captivante visite guidée mais j’ignorais complètement qu’on pouvait y voir la tombe de la Callas ! Voilà qui prouve qu’il faut y revenir ! Merci pour la balade, Audrey.
J’ai suis allée pas mal de fois, c’est toujours un moment paisible, calme ! 🙂 J’aime beaucoup la partie plus vallonnée, tout au fond, que peu de touristes explorent car c’est trop « loin » de l’entée ! :p
J’ai déjà croisé plus tombes de personnes célèbres, mais je ne les cherche pas, je me laisse porter par des choses qui attirent mon œil, par des plantes et arbres qui m’attirent ! 🙂
Pour les plans payants, de mémoire il y a un très grand plan à une des entrées avec pas mal de localisations de tombes de défunts célèbres, mais un plan qui rentre dans la poche c’est très pratique également ! 🙂
Je me souviens de la première fois où j’ai annoncé à ma mère que lors d’un séjour à Paris j’allais visiter le Père Lachaise.
« Tu vas visiter un cimetière, mais pourquoi ? »
Et franchement je serais bien incapable d’expliquer pourquoi, j’aime juste la sérénité de ces lieux je pense.
Il s’avère que je suis vraiment nulle au jeu de retrouver des tombes célèbres. J’ai tenté avec un plan, en suivant les attroupements,…
Mais finalement je pense que ce que je préfère c’est me promener, au calme, en admirant l’art funéraire… 🙂
Ce sera vraiment un des trucs à faire quand j’irai à Paris ! Mille mercis pour ces jolies photos ! xx