Il est 22 h. On est seules, la forêt, l’eau chaude et moi. De mon bain en extérieur, la tête bien au chaud sous un bonnet pour parer au froid de janvier, je lève les yeux et j’admire la Voie lactée. Le vent fait frémir la vapeur qui émane de l’eau. Il n’y a que le bruit du vent et la lumière du dôme où je vais dormir cette nuit, je pourrais être sur une île, sur une autre planète, l’humanité n’existe pas. Cette tranquillité, c’est au domaine Ridgeback Lodge qu’elle se trouve, une perle d’hébergements insolites dans le sud du Nouveau-Brunswick. Cela faisait longtemps que je voulais y aller, et enfin, enfin, le temps de deux journées enchantées, j’ai réalisé ce rêve. Je prolonge un peu la béatitude en vous faisant visiter ce domaine hors du commun.
Dormir dans un dôme
Les hébergements insolites, cela fait un moment que ça existe, et mon âme avide de petits espaces adore ces cocons originaux. En France, j’ai eu l’occasion d’essayer des yourtes et une bulle sur l’eau ; au Canada, une cabane perchée et un chalet dans la forêt en Gaspésie (voir ici pour le topo complet). Ici, on appelle ça du « glamping« , mot-valise formé de « glamour » et « camping ». Le « camping » évoque plus l’idée de retour aux sources qu’une vraie expérience de camping à base de matelas trop fins sur sol caillouteux et moustiques en option, vous l’aurez compris.
Pour trouver du glamping au Nouveau-Brunswick, il n’y a pas trente-six options : Ridgeback Lodge entre Moncton et Saint-Jean, ou Cielo Glamping, son équivalent dans la péninsule acadienne. Peut-être aurais-je l’occasion de visiter Cielo un jour… Autant vous dire que ces domaines font fureur et qu’il faut s’y prendre longtemps à l’avance pour décrocher une disponibilité. Pour notre escapade en basse saison, nous avons tout de même dû attendre trois mois.
Une fois sur place, une fois passée la réception et ses immenses tas de bûches, une fois passé le petit chemin glacé pour accéder au dôme, on comprend pourquoi l’endroit est si couru : c’est une merveille. On entre dans ce dôme comme dans un cocon chaud dont on voudrait ne plus jamais ressortir. Déco très scandinave, bois brut et tons sourds. Un lit gigantesque aux draps tout doux, une baie vitrée avec une vue apaisante sur la forêt, un poêle à granules qui ronronne agréablement, et même une cabine de douche et une kitchenette. Je sens qu’on va bien s’entendre, le dôme et moi…
J’ai oublié de préciser qu’ici, nous sommes à dix minutes de Kingston. Vous ne connaissez pas Kingston ? C’est à vingt minutes de Hampton. Vous ne connaissez pas non plus Hampton ? C’est à 20 minutes de Sussex… Ce que j’essaie de dire, c’est qu’ici, c’est au milieu des bois. Pas de wifi, à peine un signal cellulaire qu’on s’empresse vite de réduire à néant en passant le téléphone en mode avion. Pas de télé, pas de wifi. Il fait chaud, il fait doux, pourquoi voudrait-on repartir ?
On observe les écureuils. Je tricote, je lis un récit d’Ella Maillart. On s’occupe du poêle qui va chauffer notre bain japonais (je vous en reparle un peu plus bas). Sieste, tricot, bain chaud sous les nuages blancs du premier jour. Une petite promenade sur le sentier de ce domaine qui s’avère immense sous le soleil du deuxième jour. Une patinoire avec des patins à disposition permet de s’amuser sur ce qui est un étang en été. On observe le givre que forme la condensation sur nos hublots. On écoute le silence incroyable qui nous entoure. Le domaine est comble mais c’est à peine si on entend les autres clients – et on ne les voit certainement pas.
Le soir, on éteint les lumières et on s’endort à la lueur du poêle à granules. Honnêtement, le premier soir, on n’avait pas compris comment éteindre son doux ronron transformé en rugissement féroce à la faveur de la nuit, mais la deuxième nuit est plus tranquille. L’ambiance feu de bois et plaids moelleux, elle est là… Les étoiles sont cachées par le givre sur les hublots mais ce n’est pas grave. On se réveille dans un dôme tout frais, on s’enfouit encore plus profond sous les plaids en regardant le soleil gagner les arbres face à nous, on a l’impression de voir l’aube pour la première fois.
Le bain à la japonaise
Ahh, ce bain. Il faut que je vous parle du bain japonais. Il me faisait rêver autant que le dôme. Une baignoire en bois de type o-furo chauffée par un poêle à bois, le tout sur une petite plateforme sous les arbres. Comme vous le savez, j’adore barboter dans de l’eau chaude (lire ici une compilation de sources chaudes dans le monde), alors je savais que j’allais faire corps avec cette baignoire nature. Ce que je ne savais pas, c’est que j’allais devoir travailler pour l’avoir, mon bain chaud. Et c’est là que cette chronique quitte un peu l’onirisme pour virer tragicomique, je vous préviens.
Si j’étais sponsorisée, je vous dirais quelque chose d’un peu fleuri comme « prévoyez un peu de temps avant de vous plonger enfin dans un bon bain délassant ». Mais comme ce séjour a été payé 100 % par les deniers d’Etienne (gloire à lui !), je ne vois pas de raison de vous cacher que sous le vernis du glamping se cache une petite épreuve de survivalisme, que nous avons évidemment réussie haut la main. À la vingtième tentative.
À l’arrivée au domaine, on nous accueille en nous expliquant comment démarrer le poêle à bois, ne pas le faire mourir, avec des indications sur la température de l’eau et le temps nécessaire pour atteindre les 37-40°C de nos rêves : environ trois heures. Ah. Ah ? On a bien compris ? On a bien compris.
Le premier bain
Il est 16 heures, nous venons d’arriver. Première fournée. On n’ose pas trop laisser le tirage du poêle ouvert, il y a du vent. 16 h 30. Le feu a crevé. Bon. On recommence. On laisse le tirage ouvert. 17 h 30. Le feu a bien brûlé, dis donc, tellement qu’il est mort de sa belle mort, faute de combustible. On recommence. On touille l’eau à la rame, ma main me dit que la température est « frigorifique ». Parfait. 18 h 30, le feu brûle enfin comme il faut. Nous sommes passés en mode vindicatif, c’est lui ou nous, on VEUT ce bain chaud ce soir. On se relaie, toutes les vingt minutes l’un de nous se rhabille pour sortir dans le froid charger le poêle jusqu’à la gueule. L’eau doit chauffer, c’est notre mission du jour. 19 h 30, l’eau a péniblement atteint 20 °C.
Enfin, à 22 h, six heures après notre arrivée et huit stères de bois plus tard, l’eau est à 35 °C. Et nous dedans. On est BIEN. On sent un peu le feu de bois mais on est BIEN.
Le deuxième bain
L’avantage de ce système de bain, c’est qu’une fois que l’eau a chauffé, nos efforts sont récompensés le lendemain. La baignoire dispose d’un astucieux couvercle qui permet de garder la chaleur et même si la température est redescendue à 20 °C, c’est toujours ça de pris par rapport à la température de départ de la veille.
J’arrive à 14 h avec l’envie d’en découdre. Finies les politesses, je charge mon poêle comme si j’avais fait ça toute ma vie. J’enchaîne les bûches, je touille la baignoire, j’y mets de l’ardeur. Le thermomètre grimpe à une vitesse folle, en seulement deux heures, nous sommes presque prêts. Tiède… Tiède-chaud… Chaud… Chaud… Trop chaud. Ah. Évidemment.
Etienne avait trouvé le premier bain « un peu frais », il est ravi de ce deuxième bain à 40°C. Moi, j’ai l’impression d’être dans une marmite de sorcière, mais heureusement, il suffit de sortir le haut du corps de l’eau pour que l’air vif du mois de janvier me rafraîchisse agréablement.
On n’est pas mal, là.
Le troisième bain
Dans un excès de zèle incompréhensible, je charge encore le poêle en prévision d’un ultime bain nocturne. J’arrive comme une fleur à 19 heures, le bain est à 43°C, l’air extérieur à -18°C ressentis, je plonge une patte sans réfléchir et je ressors avec une pince de homard cuite à la place de la jambe. Retraite meurtrie dans le confort du dôme. Je laisse l’eau reposer deux heures à l’air libre, avec de plus en plus l’impression de gérer la cuisson d’une casserole d’eau bouillante plutôt que de préparer mon bain. Je reviens à la charge vers 21 h, en y allant plus calmement. Par temps froid, la peau se dote d’une carapace à laquelle il faut éviter les chocs thermiques violents. On garde un pull et on y va orteil par orteil, puis les mollets, puis le séant, puis l’autre jambe, et enfin on peut enlever son pull et plonger le reste lentement. Leeentement.
État d’extase : maximal. Nuit étoilée, forêt sombre, bruit du vent. Des flocons me volent dessus à toute vitesse. Parfois, un avion traverse le ciel. Mon bonnet se couvre lentement de givre à cause de la vapeur de mon bain.
Oui, ça valait bien les efforts.
Non, je ne sais toujours pas prendre la nuit en photo.
Une escapade de rêve
Inutile de vous dire que c’est un déchirement de repartir. Nous sommes si bien à profiter de la chaleur du dôme, à observer la forêt, à lever le pied. Si nos péripéties tragicomiques avec le feu vous semblent fastidieuses, sachez surtout qu’on a énormément ri et que globalement, on a apprécié d’autant plus de plonger nos petits corps parfumés au feu de bois dans cette eau délicieuse baignée par le soleil couchant ou les étoiles.
Si vous êtes assez peu portés sur l’allumage de feu par températures négatives, le personnel du Ridgeback Lodge ne vous laissera évidemment pas dans l’embarras et vous aidera volontiers. J’aurais bien aimé faire des photos du ciel étoilé, du dôme de nuit, mais je ne sais pas faire, et de toute façon j’étais trop occupée à me dire que je vivais un moment exceptionnel pour même y penser. Si ça, ce n’est pas la marque d’une déconnexion réussie…
Que faire autour du Ridgeback Lodge
Si vous restez plusieurs jours et que vous avez envie d’aller au-delà des sentiers du domaine, voici des idées d’activités :
- découvrir les sentiers de Kingston
- découvrir le joli petit village de Hampton. Je vous conseille le café Station 33 et le marché Kredl’s Corner, dont je parle plus longuement ici. En été, vous pouvez faire du kayak sur la rivière Kennebecasis.
- découvrir Sussex ou Saint Jean (45 minutes de voiture). Je parle du circuit des fresques de Sussex ici et d’une balade à Saint-Jean ici.
Infos pratiques
- 86 Old Reach Road, Kingston
- +1 (506) 763-2617
- info@ridgebacklodge.com
- Ouvert toute l’année
Tarifs
- à partir de 185 $/nuit + taxes pour le Dream Dome (celui où nous étions), séjour de deux nuits minimum.
- comptez 80 $ le supplément pour le bain japonais !! J’en suis assez ébahie, surtout pour le travail que cela demande ! Réfléchissez bien…
- Le domaine est souvent complet des mois à l’avance. Possibilité de se mettre sur une liste de désistements.
Réservez votre séjour au Ridgeback Lodge directement sur leur site
Que prendre Soyez plus intelligents que nous et prenez des tongs… Le contact entre la glace et un pied mouillé est moyennement agréable. Dans la même veine, un peignoir pour protéger sa dignité entre le dôme et le bain est aussi une bonne idée. Sinon, prenez de quoi vous occuper comme au XXe siècle : livres, tricots, dessin… Le dôme contient des jeux de carte et de société.
Manger au Ridgeback Lodge À notre connaissance, il n’y a pas de service de restauration sur place. Au village le plus proche, Kingston, on trouve une pizzeria. Sinon, c’est à Hampton qu’il faut aller, avec 20 minutes de route aller à la clé. Heureusement, les dômes sont pourvus d’une kitchenette avec deux plaques chauffantes, une bouilloire et un petit frigo, vous pouvez amener vos provisions. Attention, pas de micro-ondes.
Aller au Ridgeback Lodge Depuis Moncton, comptez 1 h 30-2 h via la Transcanadienne (autoroute 2) vers l’ouest jusqu’à River Glade, puis l’autoroute 1 jusqu’à Hampton. De là, comptez encore une bonne vingtaine de minutes pour rejoindre Kingston.
Bonus Si vous allez sur le site de Ridgeback Lodge, peut-être les photos vous diront-elles quelque chose ? Certaines ont été réalisées par les Bestjobers.
Si ce billet sur un hébergement insolite vous a plu, je vous invite à lire ceux-ci :
- Quatre hébergements insolites en Gaspésie
- Un chalet au bout de l’île du Cap-Breton
- Escapade à Tatamagouche en Nouvelle-Écosse
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Et vous, avez-vous déjà passé la nuit dans un dôme ? Avez-vous déjà essayé de faire chauffer une immense baignoire ? Je vous attends dans les commentaires ! Oyez, oyez. Ce billet contient des liens affiliés. Pour ce séjour, je n’ai pas été l’invitée du Ridgeback Lodge et Etienne a payé ce cadeau de ses petits sous.
Ça a l’air super ! Je ne connaissais pas le bain japonais, j’avoue que ça demande pas mal de doigté pour la montée en température et que ça risque de me décourager surtout s’il faut, pendant la manœuvre, rester dans le froid. Le dôme est magnifique, j’imagine l’ambiance qu’il peut y avoir avec le ciel étoilé !
Coucou,
Ah le bonheur ! Pas de connexion, pas de télé, juste ce magnifique dôme, la nature et le conjoint !
Purée, il faut qu’on teste ça quand on sera enfin arrivé au Canada !
La bain japonais ça a l’air top, même s’il faut le mériter !
Belle soirée,
Laura – Bambins, Beauté et Futilité
Mais ça a l’air tellement génial ! tu me donnes de folles envies de Canada sauvage …
Tu viens quand ? 😀
je l’avais déjà repéré, dommage de ne pas avoir pu venir cet hiver au NB !
Le domaine sera toujours là l’an prochain 😉