La Nouvelle-Écosse fait partie de ces provinces canadiennes méconnues, à l’est du Québec. Anglophone, très étirée en longueur, coincée entre le Nouveau-Brunswick et l’Atlantique, c’est une province chaleureuse. On y vient pour visiter Halifax, goûter les vins de la vallée de l’Annapolis ou faire le tour de la célèbre piste Cabot, l’une des routes les plus panoramiques du pays. Mais entre ces sites incontournables se trouvent des petits recoins où on peut se détendre et profiter d’un Canada rural et agricole. Je vous emmène aujourd’hui faire une petite escapade sur les rives du détroit de Northumberland, sur la côte nord de la Nouvelle-Écosse, autour d’un village au nom inoubliable : Tatamagouche.
Pour tout vous dire, quand j’ai réservé mon escapade, j’avais deux projets en tête : faire des randonnées en raquettes et manger des pancakes au sirop d’érable. La semaine de mon départ, une tempête de pluie verglaçante s’est abattue sur Moncton, rendant les routes littéralement impraticables. L’hiver est parfois cruel… J’ai craint pour ma sécurité et c’est les genoux tremblant que j’ai mis le cap au sud… tout ça pour trouver une province parfaitement dégagée, que la tempête avait épargnée. Elle l’avait d’ailleurs tellement épargnée qu’aucune neige ne recouvrait plus le sol, laissant seulement de la glace sur les sentiers. Adieu, rêves de raquettes ! J’ai dû improviser.
Heureusement, j’avais encore mon deuxième projet. Me gaver de pancakes à l’érable. Et croyez-moi les amis, ça s’est passé exactement comme ça. Mais prenons les choses dans l’ordre.
Le Mont Rogart
Par un temps radieux, j’ai beaucoup de mal à rester à l’intérieur, pas vous ? Même quand il fait -20°C. J’ai donc pris la direction du mont Rogart, petit mont non loin de Tatamagouche. Le sentier est tassé par les promeneurs, transformé en glace par l’hiver. J’ai l’impression de remonter une cascade au fil du sentier, et certains passages sont presque périlleux. Je n’ai jamais été aussi contente d’avoir pensé à prendre mes crampons. Loin des énormes crampons d’escalade, on trouve de petits crampons à glisser sous sa chaussure à l’aide d’une semelle en plastique, et c’est incroyablement utile autant sur les sentiers qu’en ville, quand les trottoirs se transforment en patinoires.
J’aime assez cette balade dans les bouleaux, le long d’un ruisseau gelé. Rien de bien difficile ici, hormis la glace. Et puis, j’ai Indiana pour me tracter. Indiana qui traîne d’ailleurs un peu la patte… littéralement. Le pauvre choupinou est sous médoc après un ongle mal en point. Je n’ose pas le faire forcer et nous tournons les talons au km 2 (sur 6 que compte cette boucle). Encore une randonnée avortée sur une longue liste… Mais je n’ai pas de regrets – mieux vaut raccourcir une randonnée que d’avoir à porter mon chien, non ?
Je me fais du souci pour rien, puisque Monsieur Cabotin retrouve d’ailleurs toutes ses forces dans la descente. Merci, Indiana ! Ah, les voyages avec un chien…
De retour à la voiture, je nourris mon petit comédien, je me munis d’un livre et je file manger. Je ne vous avais pas dit ? C’est que le sentier du mont Rogart commence, par un heureux hasard, à la cabane à sucre Sugar Moon Farm. Et il y avait quelque chose de stratégique à marcher en début de journée. Maintenant, j’ai les crocs.
La cabane à sucre Sugar Moon Farm
Oserais-je avouer que c’est la proximité de cette fabuleuse cabane à sucre ouverte à l’année – et pas seulement en mars-avril, pendant le temps des sucres – qui m’a poussée à réserver ce petit séjour ? Vous l’aviez sûrement déjà compris de toute façon.
La cabane à sucre Sugar Moon Farm, c’est le genre d’endroit qui donne envie de se transformer en une Laura Ingalls des érables, une pionnière qui vivrait dans une cabane en rondins et passerait son temps à faire bouillir de la sève d’érable et à retourner des pancakes. J’adore l’ambiance et je ne suis loin d’être la seule : il a beau être 14 h, la salle est quasi pleine. Mais il est vrai que la journée est magnifique, et les promeneurs nombreux à venir récupérer les calories laissées quelque part sur le mont Rogart. Puissance dix, les calories.
Au menu… des pancakes. Des pancakes comme ci, comme ça, ou les deux. Mon petit-déjeuner est loin, très loin. Je commande trois pancakes tout simples, à l’érable, sans chichis, et un latte à la chantilly à l’érable. Parce que ça manquait un peu de substance, tout ça, vous comprenez ? Et puis trois pancakes, ce n’est pas une folie. Je vous ai déjà raconté que mon record personnel, c’était dix ?
Les pancakes arrivent. C’est la folie. Ils sont bien épais, le sirop d’érable est riche en arômes. Je demande un peu d’eau pour faire passer le latte, mais tout est sublime. Je ne mangerai pas ce soir, mais je n’ai pas de regrets.
Sugar Moon Farm
- 221 Alex MacDonald Rd, Tatamagouche, NS B0K 1V0
- Ouverte toute l’année, mais pas tous les jours : voir les horaires ici.
Une nuit dans un chalet
En plus des pancakes, c’est ce petit chalet qui m’a décidée à venir ici. Toujours ce vieux rêve de cabane au fond des bois… Ici, je ne suis pas dans un chalet à proprement parler, mais dans la dépendance d’une grande maison assez isolée au bout d’un chemin non carrossé. Les propriétaires sont très discrets, je me crois seule dans la forêt. Il y a un grand espace où faire jouer Indiana sans sa laisse, et même un petit étang entièrement gelé mais qui, à en croire les installations, sert de piscine l’été. La déco est soignée, ambiance bois canadien jusqu’au bout du plaid. Des guirlandes lumineuses égayent le tout. Et les photos n’avaient pas menti : il y a bien un authentique poêle à bois.
[Digression complètement hors de propos] Il faut que vous parle de ma passion pour les poêles à bois. Dans la maison de mon enfance, le salon est chauffé par un poêle à bois rond qui est évidemment à l’origine de ma fascination pour ces ustensiles incroyablement pratiques, qui chauffent, font bouillir l’eau, tiennent la soupe au chaud, font griller les châtaignes et parfument l’air ambiant à la fumée de châtaignier ou à la pelure de clémentine. Vous deviez essayer : une pelure de clémentine, cinq minutes sur la plaque d’un poêle et hop, l’odeur de Noël. Ici, c’est incroyable, mais le poêle ici est encore plus perfectionné : gigantesque, il chauffe, il fait four, il a même un petit réservoir pour chauffer l’eau. Je veux le même. [fin de la digression]
Oh et à part le poêle, le chalet a aussi le wifi. Bref, dans ce petit chalet, on se croit vraiment dans la petite maison au fond des grands bois version 2019, et c’est génial. Il n’est pas impossible qu’Indiana et moi ayons eu les chocottes face au silence étourdissant de la nuit et au vent de l’hiver dans les fenêtres, mais ça, ça reste entre nous.
Infos pratiques
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Le moulin de Balmoral Mills
Le hasard fait bien les choses, et il se trouve que mon petit chalet était à 2 km du moulin de Balmoral (Balmoral Grist Mill Museum). Il n’en fallait pas plus pour me décider à aller visiter cet illustre établissement, avec l’espoir de le visiter pour en voir les immenses rouages, comme celui de Kings Landing… Le moulin, construit en 1874, était avant-gardiste pour l’époque, puisqu’il mobilisait une turbine hydraulique. Depuis 1966, il est la propriété du gouvernement du Nouvelle-Écosse qui l’a transformé en musée. On peut généralement le voir fonctionner et même assister à des démonstrations de de mouture de farine !
Hélas, le lieu est fermé en hiver. Cela n’empêche pas de s’approcher pour apprécier la taille du bâtiment et lire quelques panneaux d’interprétation. En traversant le torrent, on accède à de courts sentiers de randonnée, pour marcher au bruit de la cascade et repérer les tables de pique-nique où on pourra revenir d’ici à la belle saison.
Infos pratiques
- 660 Matheson Brook Rd, Tatamagouche, NS B0K 1V0
- ouvert de 10 h à 17 h tous les jours, du 1er au 5 octobre. L’extérieur est accessible à tout moment.
- tarif modique pour l’entrée : 3,8 €/adulte
Tatamagouche
Oh, Tatamagouche ! Quel mignon petit village, avec ses façades colorées. J’adore ce petit havre de civilisation au milieu d’un territoire très rural, avec un café, une chocolaterie et une micro-brasserie et c’est à peu près tout. J’y étais déjà passée en route vers le Cap-Breton et j’avais déjà apprécié l’ambiance faite de maisons victoriennes et d’un petit centre-ville très concentré.
Le centre touristique du village, la Tatamagouche Creamery, est évidemment fermée – les joies du voyage hors saison. Cette ancienne laiterie produisait autrefois jusqu’à une tonne de beurre par jour, alimentée par tous les élevages des environs. Aujourd’hui, elle abrite l’office du tourisme, le marché et un petit musée consacré à Anna Swan, la « géante de Nouvelle-Écosse ». Ce n’est pas un vain mot : elle mesurait la bagatelle de 2,4 mètres et se produisit dans des cirques, comme beaucoup de « monstres » de l’époque. J’aurais aimé en savoir plus sur cette femme hors du commun.
Si d’aventure vous traversez Tatamagouche en parcourant la route panoramique du Sunrise Trail, qui longe les côtes du étroit de Northumberland, je vous invite à vous y arrêter l’espace d’une heure ou deux. Ici, le temps semble s’être arrêté au début du XXe siècle. Les jolies maisons invitent à la balade sous les grands arbres centenaires et en saison, je suis sûre que des glaces vous attendront à la Tatamagouche Creamery…
Où dormir à Tatamagouche
J’ai repéré pour vous, sans y avoir séjourné :
- Train Station Inn, 21 Station Road. Un hébergement insolite adorable dans un vieux train d’époque, avec un petit musée ferroviaire à deux pas du Creamery Square. En saison, l’établissement propose aussi de prendre les repas dans la voiture-restaurant.
- Forest Haven Inn, 8627 Hway 311, un bed and breakfast classique dans un cadre bucolique.
- Sea Glass Cottage Rentals, des petits chalets à louer au bord de l’eau.
Les cabanes de pêcheurs de Shemogue
Pour la fin de mon escapade, j’avais envie de prendre un peu mon temps. Après tout, Tatamagouche n’est jamais qu’à deux heures de route de Moncton… J’ai donc pris les routes panoramiques et leurs virages, leurs nids-de-poule et les plaques de verglas pour faire la route à un rythme d’escargot, à travers les hameaux qui parsèment cette partie du Canada. La frontière entre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick franchie, le français réapparaît, je suis bien de retour en Acadie.
Les Acadiens sont un peuple du bord de mer, des pêcheurs des eaux froides qui mettent à profit les centaines de kilomètres de côtes du Nouveau-Brunswick pour pêcher homards, huîtres et éperlans. Si je ne suis pas passionnée de pêche pour un sou (être végétarienne n’aide pas), je suis fascinée par la ténacité avec laquelle les pêcheurs maintiennent leur activité coûte que coûte, par tous les temps, même en hiver.
En remontant la route 15 vers le Nord, je vois du coin de l’œil des petites structures sur les eaux banches du détroit. Pas de doute, ce sont des cabanes de pêcheurs, ces fameuses cabanes posées sur la glace dès que l’hiver est assez cruel pour le permettre. C’était la découverte qu’il manquait à cette journée pour être exceptionnelle. Je sors de l’autoroute au plus vite, navigue à vue. Les côtes acadiennes sont souvent très construites, et les chemins d’accès à l’eau ont tendance à être privés : pas question de s’enfoncer dans une allée privative, je dois trouver une vraie rue. Avec des cabanes au bout, si possible.
J’arrive finalement face à ces cabanes. Je sors de ma voiture, avise des personnes non loin.
– « Pensez-vous qu’on peut s’approcher des cabanes ? La glace est-tu assez solide ?
– Je crois que ça devrait pas poser trop de difficulté. »
Dans un synchronisation parfaite, une voiture s’approche et s’engage sur la glace sans même ralentir.
Effectivement. Ça ne devrait pas poser trop de difficulté d’aller voir les cabanes à pied. Si je voulais ne pas passer pour une étrangère, c’est complètement raté.
J’ai pu m’approcher des cabanes, pas forcément rassurée, mais la vue de plusieurs voitures garées plus loin m’a apaisée : la glace est visiblement solide, malgré les fissures apparentes. Si vous cherchez un peu d’insolite, les cabanes de pêcheurs sont assez courantes sur le littoral acadien, et en demandant poliment, vous pourrez sûrement vous en approcher.
Si cette escapade en Nouvelle-Écosse et en hiver vous a plu, voici d’autres idées :
- Découvrir Halifax le temps d’un week-end
- Wolfville et ses vignobles
- Itinéraire de road-trip en Nouvelle-Écosse
- Itinéraire de road-trip en Acadie en hiver
- Excursion à la cascade de glace de Parlee Brook
Et vous, connaissez-vous Tatamagouche et ses environs ? Cela vous donne-t-il envie d’y aller ? Vous connaissiez le coup des pêcheurs sur glace ? Je vous attends dans les commentaires. Oyez, oyez. Ce billet contient des liens affiliés sur Booking et AirBnB.
Les paysages sont tellement sauvages bien qu’il y avait de petites villes à côté, j’adore !
Waouh, la voiture sur la glace, il doit y avoir une bonne épaisseur ! Je suis impressionnée ! 😀
Je donnerai cher pour savoir quelle épaisseur de glace il peut bien y avoir dans ce cas-là !! Au loin, je voyais une dizaine de voitures ensemble. Et qui décide si la glace est assez épaisse ? Plein de questions sans réponse, mais je vais mener mon enquête 🙂
[…] Si vous êtes curieux de lire le texte au complet d’Audrey Favre, allez sur son blogue : arpenter le chemin. C’est toujours très intéressant, bien écrit et les photos sont magnifiques. https://arpenterlechemin.com/index.php/2019/12/17/tatamagouche-nouvelle-ecosse/ […]
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