Que serait-on sans artistes ? À l’heure où le gouvernement français réforme le régime des retraites des auteurs, avec des conséquences désastreuses sur la production de contenus culturels, il est plus important que jamais de rappeler que les artistes sont indispensables dans notre société. Sans artistes, pas de chansons, pas de musique, pas de livres à lire, pas de films à regarder au cinéma ou à la télévision, pas de peintures à admirer. Beaucoup de choses agréables dans la vie, nous les devons aux auteurs. Ce mois-ci, le thème du rendez-vous interblogueur #EnFranceAussi, créé par Sylvie du blog Le Coin des voyageurs nous invite à présenter une maison d’artiste, à l’initiative de Paule-Élise de 1916 kilomètres. Je vais vous parler d’un lieu spécial à Arles : l’espace Van Gogh.
L’Hôtel-Dieu et Van Gogh
À quelques minutes de la mairie, juste derrière le boulevard des Lices, l’espace Van Gogh a un nom trompeur : les lieux ne sont pas consacrés à Van Gogh, même si l’esprit du peintre flotte toujours entre les murs de cet ancien cloître. Construit entre le XVI et le XVIIe siècle pour regrouper plusieurs missions hospitalières locales, ce grand bâtiment abritait à l’origine l’Hôtel-Dieu de la ville. Il recevait des malades de toutes les origines, dont l’un est désormais passé à la postérité : c’est Vincent Van Gogh.
En 1888, Van Gogh débarque du nord, lassé des rigueurs du climat nordiste, pour trouver dans le midi une lumière et des couleurs sans égales. Il avait l’intention de pousser jusqu’à Marseille, mais comblé par ce qu’il voit et ce qu’il peut peindre en Provence, il pose presque définitivement ses valises à Arles. C’est ici qu’il peint sa célèbre Nuit étoilée sur le Rhône, mais aussi Terrasse du Café le soir et bien sûr L’Arlésienne. Pendant son séjour à Arles, Van Gogh peint pas moins de 200 tableaux.
Entre 1888 et 1889, le peintre a de violentes crises de nerfs. Il se tranche l’oreille suite à une dispute avec son ami Gauguin, et il séjourne à plusieurs reprises dans l’Hôtel-Dieu, où il est soigné par le docteur Félix Rey. C’est ainsi que l’ancien Hôtel-Dieu fut en quelque sorte la « maison » de Van Gogh deux ans durant – ou du moins sa maison de santé. C’est à la suite de ces petits séjours qu’il part pour Saint-Rémy-de-Provence afin d’y être soigné plus longuement.
En entrant dans l’Espace Van Gogh, on a peine à croire que ce lieu accueillait autrefois morts et maladies. L’architecture est celle d’un cloître et les bruits de la ville sont gommés à l’entrée. Le regard est appelé de toutes parts : par les arcades jaunes et blanches, par les grands tilleuls, par le superbe parterre de fleurs. L’endroit est une oasis végétale dans Arles la minérale, dont les rues romaines ne comptent que peu de verdure. Ici, on trouve des pensées multicolores, des iris, des giroflées, un laurier. Un panneau montre comment l’Hôtel-Dieu se présentait aux yeux de Van Gogh, fleuri, bigarré, animé, presque identique au bâtiment que nous avons sous les yeux.
L’Espace Van Gogh et les traducteurs
Aujourd’hui, l’Espace Van Gogh abrite plusieurs entités dédiés à la culture et fait office de pôle culturel à Arles avec la médiathèque, une antenne de l’Université Aix-Marseille et un organisme ô combien important à mes yeux : le Collège international des Traducteurs littéraires. Peut-être, lors d’une visite précédente, avez-vous déjà aperçu une silhouette furtive entrer par une porte dérobée tout au fond de la cour, et vous êtes-vous demandé qui pouvait bien pénétrer ainsi dans le saint des saints ? C’était fort probablement un traducteur en résidence qui vivait alors dans les étages supérieurs de l’espace Van Gogh.
Le Collège international des traducteurs littéraires, sous la houlette de l’association ATLAS (Association pour la promotion de la traduction littéraire) est un lieu privilégié qui accueille des traducteurs du monde entier en leur offrant une bibliothèque où se concentrer sur leur projet au premier étage, et une résidence où se reposer au deuxième étage. On aperçoit d’ailleurs les fenêtres de nos chambres depuis le jardin, sur le mur ouest, en face de l’entrée.
Et c’est ainsi que l’espace Van Gogh, sous ses airs de lieu touristique, est véritablement une « maison d’artiste(s)« . Vous le croirez ou non, mais au fil des ans, ce sont plus de 1300 traducteurs qui sont venus vivre entre ces murs pour une durée de deux semaines à trois mois, dans une sorte de retraite numérique encadrée. C’est d’ailleurs ce qui m’amène à séjourner deux mois à Arles en ce printemps 2019, venant ajouter ma pierre à l’édifice culturel construit par les traducteurs, qui sont des artistes de l’ombre. Rappelez-vous, la traduction est mon métier.
En France, les traducteurs littéraires ont un statut d’auteur, et notre travail relève de la création. Près d’un livre sur six est publié en traduction, et pour les romans, c’est un sur trois. Si vous avez lu un livre cette année, il y a de grandes chances pour que ce soit grâce au travail d’un traducteur, petit moine copiste discret qui préfère généralement oeuvre seul dans son coin. Ce n’est pas pour rien que cette résidence se trouve, littéralement, dans un cloître…
On ne visite pas le CITL, mais vous vous consolerez en venant admirer la bibliothèque de l’extérieur depuis la coursive ouest au premier étage. Avec un peu de chance, vous pourrez apercevoir l’un de nos visages blafards, penché sur un ouvrage pour tisser des ouvrages avec une minutie de brodeuse, ou les yeux dans la ramure des tilleuls, sans voir les touristes qui se pressent dans le jardin, à s’imaginer au XIXe siècle, hors de la ville et hors du temps.
Si vous venez visiter l’Espace Van Gogh, je vous invite à avoir une pensée pour Vincent Van Gogh, évidemment, mais aussi pour tous les traducteurs et traductrices qui sont passés entre ces murs et ont contribué, à leur échelle de fourmi, à vous offrir les clés d’une culture et d’une littérature différente.
Infos pratiques
- Venir à Arles en train : Arles est idéale à visiter sans voiture grâce à sa gare TGV. Depuis Paris, quelques TGV à destination de Marseille desservent Arles chaque jour, même s’il vous faudra plus probablement changer à Avignon ou Nîmes. Comptez de 3 h 40 à 5 h 10 de trajet. Depuis Lyon, comptez 2 h 40 en TER, votre meilleure option rapport durée/prix : le TGV sera plus cher et vous aurez presque forcément un changement.
- Venir à Arles en voiture : la ville étant extrêmement ramassée sur elle-même, le centre-ville n’est accessible en voiture qu’aux habitants. Je vous conseille vraiment de venir en train mais si ce n’est pas possible, par exemple dans le cadre d’une virée en Camargue, vous disposez de quelques parkings hors des remparts, notamment vers la gare et sur le boulevard des Lices (fermé le mercredi et samedi matin pour cause de marché).
- Circuler dans Arles : un des immenses avantages d’Arles, c’est qu’on peut tout faire à pied. De toute façon, les ruelles romaines sont trop petites pour les bus ! Prenez de bonnes chaussures pour battre le pavé, et le tour est joué !
- Pass touristique à Arles : l’office du tourisme propose plusieurs billets groupés : le Pass Monuments Avantages pour voir six monuments et trois musées au choix, le Pass Monuments Liberté pour quatre monuments au choix, le Musée Réattu et un autre musée, un pass combiné arènes + théâtre antique… À acheter en ligne ou à l’OT au 9 boulevard des Lices. Plus d’infos ici.
- Espace Van Gogh : l’espace est accessible gratuitement de 7 h à 19 h du lundi au samedi.
- Il est aussi possible de faire une visite guidée sur Van Gogh en Provence en cliquant ici !
Où dormir à Arles
- Hôtel Spa Le Calendal, 5 rue Porte de Laure. Un hôtel-spa qui donne directement sur l’amphithéâtre et les arènes, un emplacement exceptionnel.
- Grand Hôtel Nord Pinus, place du Forum. Ici aussi, un cadre incroyable, juste sur la place du Forum. À réserver aux personnes qui apprécient la vie nocturne !
- Le Régence, 5 rue Marius Jouveau. Un hôtel simple à prix modique.
- L’Auberge du pèlerin et du voyageur, 26 place Pomme : une auberge de jeunesse que j’ai eu la chance d’essayer lors des Assises de la Traduction 2019. Un très vieux bâtiment arlésien à deux pas des arènes. Si vous êtes trois ou moins, demandez la chambre 6, au dernier étage : douche et toilettes seront dans la chambre. 25 €/personne/nuit.
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Et vous, connaissez-vous l’espace Van Gogh ? Aviez-vous connaissance du Collège International des Traducteurs Littéraires ? Je vous attends dans les commentaires ! Oyez, oyez. Ce billet contient des liens affiliés.
avec ces fleurs, toutes ces couleurs c’est magnifique!
Oui, je ne m’en lasse pas !
Merci pour ce beau billet très personnel ! Je suis passée quelques fois à l’espace Van Gogh sans jamais soupçonner qu’il abritait des traductrices et traducteurs. Je suis bien contente que ce thème t’ait donné l’occasion de parler de ton travail, que j’admire beaucoup.
Merci Paule-Élise ! C’est que les traducteurs sont des créatures discrètes… nous faisons tout pour ne pas être vus 😉 Merci à toi pour ce beau thème.
C’est très beau!
C’est un bâtiment exceptionnel !
Je suis passée à Arles il y a quelques années pour les Rencontres de la Photo mais je n’avais pas entendu parler de l’Espace Van Gogh.
Je me demande si cela dépend des éditions, mais l’espace Van Gogh accueille parfois des expositions de photo (comme en ce moment pour le festival européen de la photo… de nu 😀 ).
Très bel endroit ! Au vue du titre, je pensais effectivement que ce lieu était une maison d’artiste de Van Gogh, je comprends mieux son lien maintenant. Merci pour la visite !
Son nom est assez trompeur, et je me demande combien de visiteurs arrivent en pensant trouver un bâtiment où Van Gogh aurait habité.
J’y étais passée rapidement mais je découvre l’endroit, son histoire et sa grandeur sous ta plume et j’avoue que je regrette un tantinet de ne pas m’être attardée davantage!
Tu es toute pardonnée car il n’y a pas vraiment d’endroit où s’asseoir pour contempler paisiblement la beauté des lieux !
Je vais souvent à Auvers-sur-Oise puisque je n’habite pas loin mais je n’ai jamais vu cet espace à Arles. Quelles jolies couleurs! on retrouve tellement Van Gogh!
Je ne savais pas que tu étais traductrice, un métier passionnant!
Merci Sophie ! Je ne suis jamais allée à Auvers-sur-Oise, mais j’espère le découvrir lors d’une prochaine visite en Île-de-France 🙂