Pour les voyageurs pressés ou frustrés, ceux qui aimeraient visiter plusieurs planètes en une seule journée, il existe un lieu prodigieux : le parc national de Gros-Morne, sur l’île de Terre-Neuve.
Terre-Neuve-et-Labrador, c’est la province oubliée des routes touristiques. Ces routes qui mènent de Tadoussac aux chutes du Niagara, de Vancouver au lac Louise, pendant la grande transhumance estivale des voyageurs venus chercher l’aventure dans un Canada réconfortant, celui où on parle français, celui où on côtoiera d’autres touristes. On est chez les cousins, ça rassure.
Mais Terre-Neuve, c’est une autre étape. L’étape qui vient quand on s’est lassé du Québec, de l’Ontario et des foules. Une étape qui donne à voir le Canada sous un autre jour, le Canada que les Vikings appelaient Vinland. Une étape toujours plus sauvage, où sur la route, on a souvent plus de chances de croiser un orignal que ses propres congénères.
Bienvenue à Terre-Neuve, où la country se teinte de cornemuse et où l’accent des habitants rappelle sans cesse qu’après les Vikings, les premiers colons venaient des Îles britanniques. Après tout, la Nouvelle-Écosse n’est pas loin.
Cette île m’attire depuis longtemps. L’idée d’un road-trip vers Terre-Neuve me réchauffait l’âme et parlait à mon esprit de pionnière contrariée – Terre-Neuve, c’est le Far East canadien.
« Et la vie ici, elle est comment ? » Question ridiculement vaste posée à un marin aux cheveux gaéliques et à l’accent celtique en attendant le ferry qui allait me ramener sur l’île du Cap Breton.
« C’est calme. On n’est pas dérangés. »
Voilà ce que m’a répondu en substance le marin qui n’aurait sûrement troqué pour rien au monde son village du bout du monde, relié au pays seulement par la grâce des ferrys.
Si Terre-Neuve couronne l’Est canadien, le parc national de Gros Morne en est le joyau. C’est à lui que je dois cette envie dévorante d’aller voir de ce côté-là, quitte à faire 1000 km en solo au volant d’un van pas spécialement prévu pour autant de route en si peu de temps.
Ce sont des images que naissent les voyages : sans image, fut-elle photographique ou mentale, pas d’envie d’aller voir ailleurs. Mon image de départ, c’était celle des formations rocheuses du parc, ces plateaux émergeant de la plaine comme des mesas sud-américaines, celles du Monde perdu de Conan Doyle, qui pourraient presque cacher des dinosaures.
Il n’y avait pas que le Monde perdu à Gros-Morne. J’y ai aussi croisé l’Islande, la Norvège, la Suisse, le manteau de la Terre et peut-être l’endroit où j’aimerais finir mes jours.
L’Islande, on l’a trouvée au niveau des Green Gardens, un sentier inversé, où l’on commence par descendre et dont la montée en fin de journée n’est que plus cruelle. La gravité s’inverse, nous flottons au niveau de la mer. Des falaises coiffées de prairie boréale, des moutons inattendus, des falaises qui se déversent à pic dans les eaux bleu glacier du Golfe du Saint Laurent. J’ai cherché Toothless et les dragons de Berk, ils étaient sûrement cachés au-delà des limites du sentier.
La Norvège, elle se cache dans l’étang de Western Brook, ancien fjord comblé par la marche des millénaires qui n’ont pourtant pas érodé les falaises qui nous toisent à 700 mètres de haut. On se sent minuscules, fragiles, intangibles. Éphémères surtout, face à la marche de la géologie pour laquelle nous ne sommes qu’un battement de papillon.
La Suisse, c’est du côté du Gros Morne qu’il faut la chercher. Le point culminant du parc a souvent la tête dans les nuages, et ce jour-là, il était particulièrement peu coopératif. Nous avons malgré tout retrouvé un peu de nos montagnes natales dans les fleurs rases et les ruisseaux ondulants, un peu de sérénité dans un paysage brut.
Quant au manteau de la Terre, c’est du côté des Tablelands qu’il faut aller le chercher. Wikipédia me dit cliniquement qu’elles « présentent l’un des rares affleurements d’ophiolite (coupe de la croûte océanique) présente sur la Terre ». Traduction : nous surfons sur l’écume d’un continent, privilège réservé à ceux qui feront le déplacement à Gros Morne ou aux îles Galapagos, l’un des rares autres endroits où on retrouve ce type de formation rocheuse. L’impression est intime, comme si on venait de surprendre la rondeur d’une épaule ou un recoin de peau secret de la Terre.
Et l’endroit où je me verrais percher un nid, c’est au sommet du sentier Lookout. Une vue à 360 degrés sur le parc, d’un côté la Bonne Baie, douce et grandiose, de l’autre des landes pour jardin. Balayé par les vents, exposé aux éléments mais un endroit d’une rare beauté. C’est calme. On ne doit pas être dérangé. Voilà que je comprends un peu mieux les habitants de ce bout de monde.
À tous les passionnés des paysages bruts, du vent qui secoue l’âme et des vagues qui réveillent les sens, à tous ceux qui cherchent l’authenticité loin du soleil, ceux qui ont la force de caractère d’un marin viking et se rêvent à manœuvrer un chalutier, une pipe à la bouche : bienvenue au parc de Gros Morne. Ne vous laissez pas tromper son nom : rien de morne ici. Des embruns, de la pluie, des nuages, vous en aurez sans doute, mais c’est un bien maigre prix à payer pour vivre l’intensité de vacances sur plusieurs planètes à la fois.
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Fiche pratique
Accéder à Terre-Neuve
Pour accéder à Gros Morne depuis le continent, il faut d’abord atteindre North Sydney, en Nouvelle-Écosse, puis prendre le ferry jusqu’ à Port aux Basques. Je conseille le ferry de nuit, qui part à minuit et arrive vers 7 heures, histoire d’économiser une nuit d’hôtel. Compter une centaine de dollars par véhicule et 35 dollars par passager.
Par avion, l’aéroport de Deer Lake, desservi depuis Halifax, Toronto, Montréal et Ottawa, n’est qu’à une heure de Rocky Harbour.
Où dormir dans le parc national de Gros-Morne
Nous avons dormi au camping Gros Morne RV Campground à Rocky Harbour, et au camping Trout River géré par le parc national. Rien à signaler, du wifi et un brasero individuel dans chacun. Le camping de Trout River est assez loin du village – accessible en vélo mais pas forcément à pied.
Informations utiles
- les orignaux sont nombreux : 125 000 au compteur, vous risquez d’en voir. On a pris très au sérieux les recommandations de la province : ne pas rouler de nuit, ni à l’aube et au crépuscule, être attentif. Un orignal, c’est 500 kg, et en cas de collision avec une petite voiture, c’est lui qui s’en sortira le mieux.
- les distances sont grandes : pas de traversier pour voiture entre Rocky Harbour et Woody Point, mais 70 km de route de montagne. Pour tout voir, prévoir de dormir à la fois dans le secteur sud (Trout River est une bonne base) et nord (Rocky Harbour)
- la vie est chère : l’essence, les produits frais… j’ai acheté une grappe de raisins pour 10 $ !! (je ne m’en remets pas)
- le temps est capricieux… S’il fait beau, foncez ! Il pleuvra peut-être dans deux heures, alors profitez du soleil quand il y en a !
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belle découverte, vraiment sympa
Avec plaisir ! C’était une belle découverte pour moi aussi !
Mon dieu ces paysages de rêve, ça fait vraiment envie !!! Merci pour toutes ces photos!!! <3
Avec plaisir ! Ce n’est pas fini, je devrais écrire d’autres récits sur Terre-Neuve car c’est LE coup de cœur de cette année !
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