Cousin méconnu des sentiers de randonnée superstars du Nouveau-Brunswick comme le Fundy Footpath ou le sentier Dobson, le Circuit Fundy est une belle boucle de 48 kilomètres qui donne à voir quasiment tout le parc national de Fundy, de son littoral dans la baie de Fundy à ses plateaux constellés de petits lacs et enfin, ses rivières faites de piscines naturelles. Encore sous le coup de l’émotion ressentie après avoir arpenté seule le sentier du cap Chignecto en 2021, j’ai décidé de récidiver et d’aller seule à la rencontre du Circuit Fundy. Le résultat : trois jours d’une grande beauté passés à savourer en profondeur les recoins du parc national Fundy. Je vous raconte tout !
Le Circuit Fundy
Ce circuit n’est pas un seul sentier mais une enfilade de sentiers au sein du parc national :
- le sentier du Littoral (10,1 km)
- le sentier du Havre (0,5 km)
- le sentier du lac Marven (8 km)
- le sentier du lac Bennett (7,7 km)
- le sentier du lac Tracy (7 km)
- une portion du chemin Laverty (route en gravier) (3 km)
- le sentier de la Fourche (3,4 km)
- le sentier Upper Salmon (8,8 km)
Au total, cette boucle représente 48 km. Elle est de difficulté intermédiaire : plus facile que le cap Chignecto, probablement équivalente au sentier Dobson ou Meruimticook, trois sentiers de longueur comparable. Il est conseillé de faire le circuit dans le sens horaire, en commençant par le sentier du Littoral qui est celui qui monte et descend le plus. À part ça, rien de majeur si vous avez l’habitude de la randonnée et que vous êtes en forme. J’ai choisi de la faire en trois jours et si je n’ai pas flâné, ce n’était pas non plus un itinéraire épuisant. Si c’est votre première randonnée sur plusieurs jours, faites-le peut-être plutôt en quatre jours.
On raconte que le plus difficile avec le circuit Fundy, c’est de réussir à réserver des emplacements de camping consécutifs. Effectivement, je n’ai pas réussi à trouver deux nuits d’affilée dans la poignée d’emplacements de camping d’arrière-pays, pris d’assaut dès le printemps. J’ai donc construit mon itinéraire en passant une nuit au camping de Point Wolfe (avant-pays) et une nuit au lac Tracy (arrière-pays). Pour vous qui me lisez de l’Europe, les campings d’avant-pays équivalent à des campings normaux avec blocs sanitaires, salle commune, des emplacements avec électricité, de l’eau potable, etc. Les campings d’arrière-pays, ou « primitifs », se résument à un emplacement plus ou moins plat, une table, un brasero, le tout au fond des bois, isolés les uns des autres. Par exemple, au camping d’arrière-pays du lac Tracy, où j’ai dormi, il n’y a que deux emplacements, et ils sont éloignés d’un kilomètre, tout en étant chacun à au moins 3 km de la route la plus proche.
Se préparer au Circuit Fundy
- Tarif : puisque ce circuit se trouve dans un parc national géré par Parcs Canada, il vous en coûtera 8,50 $/personne/jour. Si vous avez la carte Découverte, c’est un excellent moyen de la rentabiliser.
- Où trouver une carte du sentier : sur le site web du parc national Fundy ou à l’accueil. Il doit exister des applis mais je me suis tout simplement servie de la version papier. Cela dit, le sentier est très bien balisé et il me semble impossible de se perdre.
- Où dormir : deux options sont possibles : en camping d’avant-pays ou en camping d’arrière-pays
- Comment se faire à manger : sauf interdiction provinciale en cas de sécheresse, vous pouvez faire du feu à l’endroit prévu de votre emplacement de camping.
- Formalités : il faut s’enregistrer à l’accueil avant la rando, et prévenir que vous êtes en vie une fois la rando finie.
- Stationnement : selon votre point de départ, on vous indiquera où laisser votre auto et on vous donnera un papier à glisser sur le tableau de bord.
Pour obtenir des avis de vraies gens, je me suis appuyée sur le groupe Facebook Hiking NB Group (en anglais).
Fiche technique du circuit Fundy
- Distance : 48 kilomètres environ
- Durée : 2 à 4 jours
- Dénivelé positif : 1900 mètres
- Environnement : sentier le long du littoral, sentiers forestiers, gués, lacs, rivières.
- Faune sauvage : le sentier est en territoire des ours
- Bonne période pour randonner : de juin à octobre
- Gués : les trois gués peuvent être fermés en cas de forte pluie avant ou pendant votre randonnée. Dans ce cas, il est malheureusement impossible de faire le circuit Fundy.
Ma randonnée en solo sur le Circuit Fundy
Premier jour, de l’Administration à Point Wolfe
Pas de nervosité le jour du départ : le fait de randonner dans un parc national que je connais bien et de passer une nuit dans un camping normal, me rassure. C’est aussi une des raisons pour lesquelles je fais ce sentier : être à la fois loin du monde tout en étant assez proche pour ne pas risquer grand-chose si d’aventure il m’arrivait un pépin, c’est un peu avoir le beurre et l’argent du beurre. A posteriori, s’il m’était arrivé un pépin, j’aurais dû m’armer de patience puisque j’ai croisé trois personnes le deuxième jour et quatre le deuxième, mais il est vrai qu’une évacuation ne poserait pas autant de problème que, disons, sur le sentier Fundy Footpath.
Je vais m’enregistrer avant d’entamer le circuit. À l’accueil, le préposé en reste comme deux ronds de flanc quand j’annonce que je vais faire le circuit en trois jours ; selon lui, PERSONNE ne l’a jamais fait en trois jours. C’est bien évidemment faux, et je le sais très bien, mais je me heurte à un mur d’incrédulité quand je lui annonce avoir fait pire (comme le fameux sentier Meruimticook, 52 km en deux jours). Soit il me prend pour une tanche, soit il vient d’être embauché ? Le deuxième jour, je croiserai même un randonneur qui a fait ce circuit au pas de course en 13 heures !! Mais à ce moment, le fameux moment avant tout départ où l’angoisse et l’enthousiasme sont au coude-à-coude, j’ai comme un doute : suis-je trop ambitieuse ? Trop sûre de moi alors que ce n’est que ma quatrième longue rando ? Je balaie à moitié ces questions en me disant qu’il n’aurait sûrement pas pipé mot à un mec annonçant vouloir faire cet itinéraire en trois jours, enfile mon sac à dos et me met en chemin. Malgré tout, ses mots vont définir ma rando.
Km 3. J’ai choisi de faire le circuit dans le sens des aiguilles d’une montre pour faire le sentier du Littoral en étant encore fraîche. Ces dix kilomètres sont de toute beauté mais comportent plusieurs montées et descentes qui auraient été brutales le dernier jour. Je marque ma première pause… au bout de trois kilomètres, à la plage de l’Anse Herring. Je ne suis pas déjà fatiguée, non, mais j’adore cette plage et je sais que j’y serai plus tranquille pour pique-niquer qu’au cap Matthews, l’autre endroit scénique de la rando. Autour de moi, des gens tout à fait normaux font des ricochets, lisent sur leur chaise longue, débarqués de leur voiture garée à 200 mètres de la plage. Eux ont mis quelques minutes à atteindre l’anse, et moi j’ai mis une heure…
Je repars avant que le soleil ne tape trop. Je prends mon temps aujourd’hui : j’ai littéralement tout l’après-midi pour franchir dix kilomètres. J’écoute mon corps, qui me dit qu’il a un peu mal aux genoux (normal), mal à la hanche (c’est nouveau, ça ?), pas mal aux chevilles (tant mieux). Les bâtons de rando et les genouillères sont vraiment mes meilleurs amis et je ne peux plus randonner sans. C’est aussi la première fois que je randonne avec ma nouvelle tente et je mets un peu de temps avant d’arriver à bien équilibrer mon sac qui penche inexorablement sur la gauche, quoi que je fasse.
Km 5. Je passe le cap Matthews, toujours aussi beau et achalandé. C’est l’un des endroits phares du secteur littoral du parc Fundy, accessible moyennant une rando assez courte de quelques kilomètres. Le seul embranchement mal indiqué du circuit se trouve juste après le cap : il faut suivre « boucle du cap Matthews » (à gauche) et non « stationnement du cap Matthews », sous peine de faire un détour avec un sévère dénivelé positif. Heureusement, j’avais parcouru ce sentier l’an dernier et mes souvenirs étaient encore frais. Je poursuis mon chemin en laissant derrière moi la plupart des randonneurs à la journée, à part deux que je ne cesserai de doubler au fil des belvédères. Au cap Matthews, je préfère encore la vue du cap Squaws, deux rochers qui émergent un peu plus loin. Le sentier monte progressivement, traversé de part en part par des racines.
Km 10. Après une longue descente, le sentier du Littoral se termine avec vue sur le pont couvert de Point Wolfe. Je suis la route sur quelques centaines de mètres avant de reprendre le sentier du Havre après le pont couvert. Cinq cent mètres plus tard, j’arrive doucement au camping à 17 h. Il m’aura fallu cinq heures pour faire ces dix kilomètres, en comptant quatre pauses. Je ne tenais pas à arriver trop tôt non plus car… seule au camping, la soirée peut être longue. J’ai pris un magazine, ma liseuse et un début de tricot, et c’est résolument le tricot qui l’emporte : impossible de me concentrer sur le moindre effort intellectuel, la faute à la fatigue (malgré tout) et à mon esprit qui anticipe la journée de demain. Je me paie le luxe d’aller faire un tour à la plage de Point Wolfe, à moins d’un kilomètre de là. Avec la nuit qui tombe, les mots du type de l’accueil me reviennent en écho et je sais que je vais devoir assurer.
Deuxième jour, de Point Wolfe au lac Tracy
La nuit est en pointillés. Le camping entier se réveille au son d’un corbeau qui nous passe dessus en hurlant de tous ses poumons. Je lève le camp en une heure, laissant derrière moi les campeurs normaux émerger tranquillement de leur matelas épais dans leur tente géante. Un jour, je vous parlerai de l’équipement de camping au Canada, car ça vaut son pesant d’or.
Km 11. En quittant le camping de bon matin, je sais que le sentier du lac Marven ne sera pas le plus agréable : c’est une route de caillasse sans panorama qui sert surtout de sentier pour vélos tout terrain. Dans la brume matinale, l’ambiance fantomatique est à son comble. Je me chante des chansons joyeuses pour me motiver. Don’t Stop Believing… Quand le sentier est barbant, une solution : accélérer le pas et se perdre dans ses pensées. Le sentier monte et descend doucement. Les panneaux d’interprétation qui indiquent que je devais avoir une vue sur la rivière Wolfe datent clairement d’un autre temps, un temps où les arbres étaient plus petits. Au bout de 7 km, l’embranchement pour le sentier du ruisseau Bennett est un soulagement : je suis de retour sur un « vrai » sentier, avec de la terre, de la mousse et des épines de pin sous les pieds, un tapis moelleux et agréable.
Km 17. Et là commence la descente infernale vers le ruisseau Wolfe. Les descentes ne me dérangent pas, j’ai un bon équilibre et mes genoux tiennent le choc grâce aux bâtons. Mais la durée infinie de cette descente très raide me donne des sueurs froides, car c’est une des lois de la rando : ce qui se descend devra se remonter. Et si je mets vingt minutes à descendre ce raidillon, je vais sûrement souffrir à la remonter.
Km 19. Le coup de grâce arrive au pied de la descente, au moment où j’atteins le gué : une averse se met à tomber dru. Moi qui espérais une pause dans un joli cadre, peut-être de belles photos, pour compenser l’ambiance lugubre sur le sentier précédent, c’est raté. Mais voyons le bon côté des choses : au moins, je n’ai pas transporté mon poncho pour rien ! J’enfile mes tongs, mon poncho et c’est parti pour le passage à gué, heureusement très peu profond.
Je ne l’avais pas encore précisé, mais ce sentier comporte trois gués. Trois gués en théorie, mais cinq en pratique, car deux impliquent de passer deux rivières coup sur coup. Je ne me rends compte que ce gué est un gué double qu’après 20 minutes de pause pour laisser sécher mes pieds. C’est ici que je croise deux autres randonneurs, les seuls sur cette portion de sentier [pile au moment où je m’époumone pour me faire entendre de mon appareil photo par-dessus le brouhaha de la rivière]. Le passage du gué est un rare moment où le sentier n’est pas très bien balisé : cherchez la peinture sur les rochers pour retrouver le sentier.
La remontée n’est pas si dure que prévue. Par contre, le sentier se transforme à nouveau en route pour vélo et les quatre derniers kilomètres avant le lac Bennett sont interminables. Aucun panorama, que de la forêt. Une forêt tapissée de mousse, de belles fougères, mais j’ai soif de paysages. Certes, le soleil est revenu et l’ambiance est plus guillerette, mais j’ai faim, j’ai envie d’une pause et cette portion est infinie. Vous l’aurez compris, les deux sentiers de vélo du lac Marven et lac Bennett ne sont pas ma partie préférée de cet itinéraire.
Km 27. Une ultime montée, une étendue bleue… C’est le lac Bennett, atteint à 13 h 30. Un petit paradis ! Ooh, cette pelouse moelleuse ! Cette vue ! Le bord du lac est aménagé en mini-base de loisirs et le décalage entre le gobelin puant qui vient de sortir des bois et les familles venues pique-niquer, barboter, louer un kayak dans leurs belles tenues de sportswear chic est comique. Je m’installe à la lisière de la pelouse pour faire un pique-nique avec vue sur le lac. Lac où j’irai tremper mes pieds par la suite. Le bonheur total d’une eau froide sur mes mollets fatigués ! Je n’apprécie jamais autant une eau glaciale qu’en rando ! Ce n’est pas pour rien qu’on dit que l’eau froide, c’est le spa de la rando.
Alors que je demande au loueur de kayak si l’eau est potable dans les sanitaires, il me fait cadeau d’un litre de sa propre eau (soit-il remercié !) et je me mets en chemin vers mon campement, à 3 km de là, que j’atteindrai en 45 minutes. Le sentier du lac Tracy est relativement plat et facile. Pas de gué, pas de marais, une belle forêt, vue sur le lac Bennett à travers les arbres, c’est parfait pour finir la journée.
Km 30. Vue sur le lac Tracy, toilettes à proximité, du bois pour le feu : on n’est pas bien, là ?! La nervosité monte un peu, mais je sens aussi qu’elle n’est pas aussi intense qu’avant. Peut-être est-ce le fait d’être dans le parc national, à seulement 3 km d’une route, ou simplement la vue du lac qui m’apaise, mais ça va relativement bien. J’apprends à apprivoiser les nuits en forêt, a fortiori seule en forêt, et je suis bien loin de la terreur que j’ai pu ressentir lors de précédentes randonnées. Je me couche vers 21 heures, les pieds un peu plus douloureux que d’ordinaire, et réussis à grapiller quelques heures de sommeil.
Et puis…
Oua. OUAoua. Oua. Oua. OUA.
Oua. Oua. OUA. OuaOUA. OUAOUA.
Oua. OUA. Oua. Oua. Oua.
Les ouaouarons entrent en scène. Ces charmants crapauds m’ont chanté tout leur amour, toute la nuit, à toute puissance. C’est fou comme un croassement résonne quand il n’y a plus de bruit alentour… Malgré tout, j’ai préféré leur chant mélodieux aux quelques moments de silence total, très angoissant quand il fait nuit noire. En parlant de nuit noire, j’ai profité d’une insomnie pour ouvrir ma tente et admirer les étoiles. Le parc national Fundy est une réserve de ciel étoilé, c’est-à-dire l’un des meilleurs endroits pour observer le ciel nocturne. Se rendormir avec des étoiles plein les yeux, littéralement, valait la peine d’avoir fait tous ces efforts.
Troisième jour, du lac Tracy à l’Administration
Je me réveille à la lumière du soleil levant sur ma tente, une lueur rose toujours agréable. Les angoisses de la nuit disparues, il ne reste que la magie de voir la brume s’élever du lac Tracy avec le soleil, le plaisir de prendre le petit-déjeuner en mesurant ma chance d’être ici. Le soleil est rouge et je sais que cela augure de la pluie, aussi je défais le campement assez vite, sans m’attarder. J’ai de toute façon 18 kilomètres à enquiller aujourd’hui. À ce stade, je m’imagine que la dernière partie, qui longe une rivière, sera un long fleuve tranquille en guise de dernière ligne droite. Oui, oui… on y reviendra.
Le temps de croiser un randonneur lève-tôt sur le coup de 7 heures – dont j’apprendrai par la suite qu’il a fait le Circuit Fundy en 13 heures !! – et je me mets en route. Maintenant que j’ai quasiment épuisé mes repas, mon sac est bien allégé. La suite du sentier du lac Tracy est plat et agréable à la fraîche, avec quelques zones boueuses mais rien d’insurmontable. J’arrive vite au lac Laverty, où m’attendent deux des fameuses chaises rouges de Parcs Canada.
Km 34. J’entame ensuite 3 km sur le chemin Laverty, route de graviers sur laquelle je ne croiserai que deux voitures, heure matinale oblige. Je m’imaginais que cette portion serait la plus rasoir mais je me surprends à apprécier le sol sans racines, où je progresse vite.
Km 37. Depuis le stationnement au bout du chemin, j’entame ma longue descente sur le sentier de la Fourche, que je n’avais jamais emprunté. C’est le jour et la nuit avec un autre sentier qui part du même endroit, le sentier de l’Orignal, archi-couru puisqu’il permet d’accéder à des piscines naturelles en moins de 2 km. Si la Fourche permet aussi d’aller se baigner, il faut compter quasiment 4 km d’une descente sans relâche et je comprends qu’il soit moins prisé que son voisin. La « fourche » en question marque la confluence entre la rivière Broad et la rivière Forty-Five, qui prennent alors le nom de rivière Upper Salmon. Les deux gués de la fourche sont équipés d’une corde qui doit être assez utile quand l’eau est relativement haute. Je me contente de traverser en m’aidant de mes bâtons, tongs aux pieds. Deux de mes ongles d’orteils font la gueule, l’un semble prêt à rendre les armes et je croise les doigts pour qu’il tienne encore un peu. J’ai des chaussures relativement récentes et les nombreuses descentes de ce sentier semblent vouloir la peau de mes orteils. À l’heure où j’écris ces lignes, deux semaines après la rando, j’ai toujours mes ongles mais deux restent irrémédiablement bleus, pour la première fois de ma vie. [AJOUT à la fin de l’été : j’ai perdu ces deux orteils. Il va falloir songer à changer de chaussures]
Km 41. J’entrevois le premier panneau qui annonce la direction de l’Administration, signe que j’y suis presque, non ? Un peu moins de 9 km, c’est comme si c’était fait, non ?
Non, car le sentier Upper Salmon est globalement le plus difficile de ce circuit. Peut-être était-ce la fatigue des trois jours, mais j’ai beaucoup pesté sur ce sentier peu évident. L’immense majorité du sentier est pourtant en pente douce le long de la rivière, comme je l’imaginais, mais régulièrement, il contourne de gros rochers et les choses sérieuses commencent : le sentier se fait raide, étroit, traître, les pieds passent dans des trous à travers les racines d’arbres à peine accrochés à la pente, quand il ne faut pas tout bonnement escalader un rocher ou deux. Les moucherons plongent en piqué dans mes yeux et je pousse régulièrement des rugissements agacés. Mon pied passe à travers une racine et je manque de me tordre proprement la cheville.
Km ?? Moi qui pensais faire mon pique-nique au dernier gué avant l’ultime montée vers 13 heures, je ne suis qu’à mi-chemin à cette heure-là tellement je progresse lentement. Je fais un pique-nique les pieds dans une eau délicieusement froide pour reprendre mes esprits et me recentrer, la fatigue et la perte de concentration étant mes pires ennemies dans ces conditions. Je me détends avec mon ultime repas sur le sentier, à admirer les aigles qui tournent au-dessus de l’eau et à savourer le répit d’une eau fraîche par cette journée moite.
À me lire, on dirait que ce sentier est extrême mais ce qui change la donne, c’est l’effet conjugué de la fatigue et l’encombrement de mon sac qui m’empêche d’avoir un bon équilibre. Ajoutez à ça le fait que j’ai deux bâtons qui me gênent sur les portions aériennes et vous comprendrez que si ce sentier est un bon exercice pour une rando d’une journée, il est un petit calvaire à l’issue du circuit.
Km ?? Je reprends le chemin en bougonnant un peu, mais le paysage est si joli que je retrouve la joie de marcher. Pour autant, la vue de la corde au dernier gué m’arrache un cri de joie et de soulagement. J’y suis presque ! Quand le gué sera franchi, c’est comme si c’était fait ! Une fois sur l’autre rive, je m’accorde un ultime moment avant la civilisation. L’Administration n’est qu’à 2 km, il est 15 h, pourquoi se presser ? Assise sur un rocher dans le torrent, les pieds au frais dans l’eau, je savoure ces derniers moments seule dans la nature. Des moments précieux. Puisque j’ai eu le temps d’y réfléchir pendant ces trois jours, j’arrive à la conclusion que malgré l’effort physique, j’aime tant la rando en solo car elle m’offre des moments précieux en tête-à-tête avec moi-même, sans distraction. C’est une chose de passer mes journées à travailler seule chez moi, mais je suis constamment stimulée par un écran, un livre, un tricot, du jardinage, une balade de chien… En rando en solo, je suis avec moi, sans échappatoire, et ce sont des moments parfaits pour réfléchir à absolument tout ce qui me chante, prendre du recul, régler des trucs ou simplement penser uniquement à cette ampoule qui se déclare ou cette bride qui me fait mal, dans une sorte de méditation sportive.
Km 46. L’ultime montée est cruelle mais elle ne m’aura pas ! Haha ! À ce stade, je suis inarrêtable ! L’euphorie typique de fin de rando me gagne. Bientôt, de la musique arrive à mes oreilles, je vois les premières caravanes du camping de l’Administration, des bâtiments, un type sur une tondeuse, une voiture derrière les arbres, la guérite du camping, des gens propres, le portique du parking, des voitures, ma voiture, mon sac est à terre, j’ai une gourde dans la main et j’affiche un sourire grand comme ça d’avoir fini le circuit Fundy en trois jours ! Trois jours, vous m’entendez ?!
Je vais me signaler à l’accueil en espérant vaguement recroiser le préposé du début pour lui rabattre son caquet. À la place, je retrouve les deux randonneurs du gué de la rivière Wolfe : ils ont fait littéralement le même chrono que moi, mais en sens inverse (et eux, personne n’a tenté de les décourager). J’ai vaguement mal aux épaules mais je suis loin d’être percluse de tous les côtés comme après le cap Chignecto. Je papote quelques minutes mais un besoin se fait sentir : un bon café glacé, j’en rêve depuis ce matin. Trois minutes de route plus tard, je suis à Alma, havre de civilisation microscopique où se trouvent néanmoins plusieurs cafés. Je m’affale au coin d’une terrasse, loin des gens pour leur épargner mon fumet, et je savoure le meilleur café glacé de la terre, celui qui a le goût de l’accomplissement, de la victoire sur soi-même.
Ce que j’ai aimé
- Le fait d’être dans un parc national : sentiers impeccables et infrastructures au top comme des toilettes sèches
- Ne jamais être très loin de la civilisation est rassurant : si j’avais dû abandonner, je n’étais au pire qu’à quelques kilomètres d’une route où de bonnes âmes auraient pu me ramener à ma voiture
- Avoir dormi dans un camping d’avant-pays le premier jour
- Avoir aussi dormi dans un camping d’arrière-pays : dans une réserve de ciel étoilé, c’est très précieux.
- Après la rando, pouvoir aller prendre prendre un bon café glacé à Alma, à 3 minutes de route du parc national
Ce que j’ai moins aimé
- Le manque de panorama sur certaines sections. Les sentiers de vélo du lac Marven et du lac Bennett sont longs comme des jours sans pain.
- J’aurais pu me passer des doutes du préposé à l’accueil lors de mon départ ! Scrogneugneu.
Infos pratiques
Idées d’étapes sur le Circuit Fundy
En deux jours intenses (25 km chacun) :
- Lac Bennett-Administration-Lac Bennett
- Stationnement de la Fourche-Point Wolfe-stationnement de la Fourche
En trois jours (mon itinéraire) :
- Administration à Point Wolfe (10 km)
- Point Wolfe au Lac Tracy (20 km)
- Lac Tracy à l’Administration (18 km)
Autre option en trois jours :
- Administration au lac Marven (17 km)
- Lac Marven au lac Tracy (13 km)
- Lac Tracy à l’Administration (18 km)
Option en quatre jours :
- Administration à Point Wolfe (10 km)
- Point Wolfe au Lac Marven (7 km)
- Lac Marven au Lac Tracy (20 km)
- Lac Tracy à l’Administration (18 km)
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Où dormir
Comme je l’explique au début, on peut dormir dans des camping d’avant-pays ou d’arrière-pays mais dans tous les cas, il est impératif de réserver. Les sites d’arrière-pays sont peu nombreux et très demandés. Par exemple, il n’y a que deux sites au lac Tracy.
Le tarif pour une nuit en avant-pays est de 27,25 $/emplacement, et de 10,50 $ pour la nuitée en arrière-pays. À cela s’ajoutent environ 9 $ par nuit d’arrière-pays pour le permis de feu obligatoire, sans compter 11,50 $ de frais de réservation par emplacement, une belle arnaque si vous voulez mon avis. Pour mes deux nuits, il m’en a donc coûté environ 70 $.
Pour réserver, allez sur le site de réservations de Parcs Canada ici.
Avant ou après la rando, vous pouvez dormir à Alma, l’adorable village qui fait office de porte d’entrée au parc. Cliquez sur le nom des établissements pour réserver (plus d’explications sur les liens affiliés ici).
- Captain’s Inn : un bed and breakfast simple mais très correct où nous avons été très bien reçus. Environ 150 $ la chambre double avec petit-déjeuner.
- Parkland Village Inn ou Alpine Motor Inn, deux établissements de standing différent (un hôtel et un motel) mais tous deux au bord de l’eau, que je n’ai pas essayés
- Cleveland Place : je n’ai pas essayé non plus mais ce gîte possède la seule librairie du village et se trouve juste en face d’un endroit formidable : Holy Whale Brewery/Buddha Bear Café, un café/brasserie dans une ancienne chapelle. Magique !
Aller au parc national Fundy
- Depuis Moncton, aller à Riverview, puis prendre la route 114. Environ 1 h 15 de route. En 2022, prévoyez des retards en raison de travax à plusieurs endroits sur la route.
- Depuis Fredericton, prendre l’autoroute 2, puis la route 10 jusqu’à Sussex, et enfin la route 114. Compter 2 heure de route.
- Depuis Saint-John, prendre l’autoroute 1 jusqu’à Sussex, puis la route 114. Environ 1 h 20 de route.
Si vous avez aimé ce compte-rendu de longue randonnée, en voici d’autres à vous mettre sous la dent :
- Ma rando sur la boucle du Cap Chignecto
- Ma rando sur le sentier Meruimticook
- Ma rando sur le sentier Dobson
Quand je vois qu’il y a un tarif par jour dans ces parcs, je me demande comment ils contrôlent le nombre de jours réels que l’on y passe, il y a des sorties obligatoires et c’est là que le contrôle se fait ?
En tout cas félicitations pour ce sentier sur 3 jours ! Le préposé avait peut-être essayé de te décourager, ou alors, il avait lui-même testé et avait peiné ?
Pour Parcs Canada, il faut glisser le reçu sur le pare-brise sous peine de voir sa voiture remorquée, qu’on soit là pour un jour ou plusieurs. Quant aux parcs du Québec, il faut garder le reçu sur soi puisqu’on peut être contrôlés sur les sentiers. J’ai tendance à croire que peu de personnes resquillent, ce n’est pas tellement la mentalité. Comme j’ai un passe annuel, je ne me pose pas la question.
Je ne sais pas ce qui s’est passé avec le type de l’accueil, je me pose encore des questions 😀