Le Nouveau-Brunswick est une terre plurielle où plusieurs cultures se mélangent et se côtoient. Il en est une particulièrement vivante, une nation au sein du Canada, dont on ne parle pas souvent. Cette nation se fait pourtant entendre chaque 15 août et rappelle au monde qu’il ferait bien de ne pas l’oublier. Cette nation, c’est l’Acadie.
Le Canada est une multitude de cultures, loin du melting-pot américain où chacun vient se fondre dans la culture wasp canonique. Le Canada, c’est un arc-en-ciel, un patchwork, une mosaïque. Selon les mots de notre premier ministre en poste, Justin Trudeau, le Canada est le premier état post-national, dont les citoyens ne se rassemblent pas sur une histoire commune mais sur des valeurs partagées, et je dois dire qu’en tant qu’immigrante, cette idée ne peut que me plaire.
Le Canada, c’est tout autant les anglophones que les francophones, les blancs et les autochtones, les Québécois et les Franco-Ontariens. Et les Acadiens. Bien mal vous en prendrait de les confondre avec d’autres identités francophones canadiennes : un Acadien n’est pas Québécois, et il vous le fera savoir. Un Breton, ce n’est pas un Corse. Pas plus qu’un Alsacien n’est Auvergnat. Si la France ramène au statut d’identité régionale ces différences, ici, nous parlons bien de nation, et l’Acadie a sa fête nationale le 15 août.
Le 15 août, l’Acadie fait savoir au monde qu’elle est bien vivante en s’emparant de la rue. En fin d’après-midi, la foule parée de bleu-jaune-blanc-rouge grossit peu à peu à mesure que le soleil se fait doré pour mieux sublimer l’étoile du Stella Maris, le drapeau national. Elle se masse dans la rue avec la ferme intention d’en découdre avec le silence, armée de casseroles et de crécelles, de cuillères en bois et de vuvuzelas, de tout ce qui pourra atteindre un maximum de décibels. Peu avant 18 heures, l’excitation est palpable mais on économise ses instruments.
Sonnent 18 heures. Et c’est le chaos sonore. Klaxons, casseroles, tambours, chiens qui hurlent à la mort, tambourins, trompettes, cris de joie, tout résonne à l’unisson en un même cri primal, celui de la nation acadienne qui hurle à sa résilience à 120 décibels.
C’est qu’elle revient de loin, l’Acadie. Impossible de parler du 15-Août sans évoquer l’histoire acadienne. Le premier Tintamarre voit le jour en 1955 pour commémorer le bicentennaire de la déportation des Acadiens, un épisode du Grand Dérangement. En 1713, une partie de l’Acadie (actuelle Nouvelle-Écosse), alors colonie française, passe sous domination britannique. Les exactions commencent, avec pour apogée 1755, lorsque le général britannique Monckton (qui a donné son nom à ma ville – avec une faute d’orthographe, ironie de l’histoire) débarque au pays, confisque des biens, arrête des prêtres, demande un serment d’allégeance. Devant le refus des Acadiens, le prétexte est tout trouvé : ils n’ont de toute façon plus d’utilité pour la couronne britannique, ils doivent partir.
S’ensuit alors ce qu’on appelle la Déportation des Acadiens, éparpillés le long de la côte atlantique. Virginie, Caroline du Nord, Louisiane… Certains bateaux remplis d’Acadiens sont renvoyés vers l’Angleterre. La nation est dispersée aux quatre vents. Certains trouvent refuge dans l’actuel Nouveau-Brunswick, d’autres seront renvoyés en France.
Certains Acadiens finiront par revenir en Acadie au bout du plusieurs années, plusieurs décennies. Cette idée de la diaspora et du retour aux sources est profondément ancrée dans le Tintamarre, souvent l’occasion de réunir des familles acadiennes qui vivent ailleurs au Canada ou à l’étranger.
Le Grand dérangement est gravé au fer rouge dans l’histoire de l’Acadie, et reste aujourd’hui un traumatisme collectif. Plus qu’une vieille rancune de 250 ans, c’est surtout le symbole de l’oppression politique et linguistique qu’a subie cette nation coincée entre les anglophones et les Québécois, alors que le XXe siècle a été le théâtre de luttes pour pouvoir parler librement français dans le Nouveau-Brunswick anglophone et tout simplement, être pleinement reconnus en tant que citoyens. Être Acadien n’a pas été de tout repos et n’oublions pas qu’au Nouveau-Brunswick, l’égalité en droit de la communauté francophone n’a été reconnus qu’en 1973.
Alors le 15 août, au-delà du folklore et du joli festival bariolé, au-delà du bon temps et de la liesse, je me fais un devoir de grossir les rangs des Acadiens qui défilent, en hommage à tous ceux qui ont souffert de la déportation et des discriminations, pour hurler longue vie à l’Acadie.
Infos pratiques
Le Tintamarre a lieu le 15 août à 18 heures dans les localités comptant une grande communauté acadienne, comme Moncton, Dieppe (la plus grande ville acadienne en termes de population), Bouctouche au pays de la Sagouine. Le plus grand Tintamarre est celui de Caraquet, et les hébergements sont évidemment pris d’assaut. Armez-vous de tout ce qui peut faire du bruit ou de bonnes cordes vocales et joignez-vous à la foule.
Et vous, avez-vous déjà assisté ou participé au Tintamarre ? Découvrez-vous cette fête et sa nation ? Je vous attends dans les commentaires ! Cette chronique contient un lien affilié qui ne change au rpix de votre coté, tout en me donnant un coup de pouce financier. Merci !
Épinglez-moi !
Coucou Audrey,
Je te l’ai déjà dit, il y a quelque temps, mais je trouve ça vraiment bien cette célébration !
Et puis ce doit être un chouette moment, convivial, festif et joyeux !
Nous sommes en train de planifier une venue à Moncton avec mon mari et mon fils pour voir de nous-même si oui ou non, nous aimerions y vivre en définitif.
Belle journée,
Laura – Bambins, Beauté et Futilité
Je t’ai ajoutée sur le groupe Voyager au NB, si tu veux poser tes questions sur les choses à voir et à faire ! Et pour les questions plus liées à l’immigration, envoie-moi un mail ou un mp ! C’est un beau projet, le NB est très accueillant… j’espère qu’il vous plaira ! Vous venez quand pour votre visite exploratoire ?
[…] pour fêter cette belle province, quoi de mieux qu’un périple qui mette à l’honneur l’Acadie […]
Cet article me parle directement 🙂 ! mes aieux font partie de ceux qui ont été déportés, les pauvres ont perdus leurs 8 enfants pendant la traversée (maladie certainement), on ne peut imaginer leur chagrin multiplié par la perte de leur maison leur terre leurs enfants … ..nous avons découvert tout ça lors d’une recherche généalogique en 2017, un voyage est prévu en Acadie pour revenir sur nos traces…je mets ton article dans mes favoris.