Je ne pensais pas dire un jour que le clou d’un road-trip aurait été d’aller voir des oiseaux, mais si, je vais le dire : le clou de mon road-trip en Gaspésie, c’était d’aller tutoyer les fous de Bassan de l’île Bonaventure. Attention, on ne parle pas de trois mouettes qui se battent en duel : ici, on a littéralement à portée de main près de 116 000 fous de Bassan qui viennent nicher tous les ans sur ce rocher au large de Percé.
Si vous vous intéressez à la Gaspésie, vous connaissez forcément le rocher percé, avec sa silhouette reconnaissable entre toutes. Nous qui faisions ce road-trip dans le sens antihoraire, nous avons eu la meilleure vue en arrivant directement face au rocher, et nous avons immédiatement fait halte pour nous remettre de la vue. La petite ville de Percé a d’ailleurs depuis peu une jolie promenade en bois qui permet de l’admirer en se baladant, glace à la main.
Mais le meilleur point de vue, c’est encore de plus près.
Suite au road-trip de Lucie de Voyages et Vagabondages qui m’avait vivement conseillé d’aller sur l’île Bonaventure, nous avons embarqué pour un traversier afin de rejoindre cette île et ses oiseaux. Ce que nous ne savions pas, c’est qu’au lieu d’une bête traversée en ligne droite, nous allions faire une heure de croisière et nous approcher du rocher ! Passé la surprise à l’annonce du capitaine (et notre réflexe « mais on mange quand ?! » – il était midi et nous sommes des gourmandes…), nous avons pu profiter du spectacle aux première loges.
Le bateau s’approche du trou dans la roche et tourne sur lui-même pour que tout le monde en profite. De près, on se sent infiniment petit face à ce colosse minéral, et les mouettes ricanent en tournoyant, là en haut. Monolithe impressionnant de 430 mètres de long, il est à quelques encablures seulement de la plage de Percé, accessible à marée basse (attention : c’est tentant mais dangereux et non conseillé). Il pèse la bagatelle de cinq millions de tonnes et se déleste de 300 tonnes de roche chaque année, pépère. C’est un vaisseau de proportions monstrueuses qui se profilent loin à l’horizon et semble mettre le cap vers le large, accompagné d’une nuée d’oiseaux.
La croisière s’amuse continue et fait le tour de l’île Bonaventure à présent. Nous allons décidément de surprises en surprises : des petits rorquals sont de la fête et nous voyons leur aileron si caractéristique. Ne manque plus que des phoques et le spectacle sera complet ? Il suffit de demander ! Sous les falaise de l’île, des phoques se dorent au soleil. J’adore leur bouille rondouillarde qui a toujours l’air ravie. L’Île est certes connue pour ses fous de Bassan, mais puisqu’elle est inhabitée, c’est un véritable petit paradis animalier, où la faune peut vivre en toute quiétude.
De l’autre côté de l’île, un monde perdu. On entend les fous de Bassan avant de les voir et les voici bientôt, à décorer les falaises de dentelle blanche. Ils semblent innombrables, perchés à flanc de falaise, mais seuls un tiers des fous nichent ainsi dans le vide : les autres sont sur le plateau pour l’instant invisible à nos yeux. Je ne crois pas ce que je vois, et je sais que le meilleur est à venir… Il me tarde d’accoster.
L’île Bonaventure fait partie du parc national du Rocher-Percé-et-de-l’Île-Bonaventure, géré par la SEPAQ. Colonisée dès l’aube de la Nouvelle-France, elle a connu les grandes heures de la pêche et était autrefois habitée. En 1919, elle est devenue un sanctuaire pour oiseaux et c’est alors tout un mécanisme de protection des oiseaux qui s’enclenche, pour culminer en 1970 avec son achat pour le gouvernement québécois, qui la transforme en parc national. Les quelques maisons que vous voyez sur mes photos sont d’ailleurs des lieux d’interprétation pour en savoir plus sur les lieux.
Au bout d’une heure, nous voici sur la terre ferme. À noter, on peut aussi très bien ne pas débarquer et revenir directement à Percé si on manque de temps, mais laissez-moi vous dire que ce serait un immense gâchis. Même en petite forme, le chemin est très facile et au prix de 4 kilomètres aller-retour, un spectacle unique au monde.
Une fois tous les visiteurs débarqués, le personnel nous fait un petit topo sur la meilleure façon d’atteindre les oiseaux (indice : tous les chemins mènent à…) et nous indique les animations à venir dans l’après-midi. Affamées (je rappelle qu’il est maintenant 13 h, soit bien plus tard que notre heure habituelle !!), nous décidons d’aller enfin manger nos sandwiches avant de nous mettre en route. Le dernier traversier repart à 17 h 00, nous avons tout l’après-midi devant nous.
« Cache ton lunch !! » me crie une guide qui prend sa pause déjeuner en même temps que nous. Même pas le temps de poser mon Rouy pour chercher quelque chose dans mon sac qu’une mouette vindicative était déjà en vol stationnaire à 1 mètres au-dessus de nous. J’ai réitéré l’expérience en voulant la prendre en photo : je pose mon sandwich, je prends deux photos et la voici à nouveau prête à me voler ma pitance. Visiteur, prends garde à ton pique-nique !
Une seconde avant l’impact…
Vient enfin le moment d’aller découvrir ces fous dont on nous dit tant de bien. Quatre sentiers au choix, un même but : l’autre côté de cette île de 3 km². Nous choisissons le plus court : nous prenons le sentier des Colonies car il fait extrêmement chaud. Si vous venez à la fraîche, je vous conseille le sentier du Chemin-du-Roy, qui longe la côte, plus long mais sûrement plus panoramique. Le sentier que nous suivons est dans une forêt agréable mais sans panoramas comme les autres sentiers. Impossible de se perdre, tout est extrêmement bien balisé.
Un dernier coup d’œil en arrière avant d’entrer dans la forêt pour deux kilomètres…
Et c’est de nouveau la fracture de la rétine. Cela ne s’arrête-t-il donc jamais sur l’île Bonaventure ?
À vrai dire, non.
Au bout d’une demi-heure de marche, quelque chose change dans l’air. Une rumeur indistincte, une légère odeur de guano peut-être ? Nous continuons d’avancer et nos impressions se confirment. Nous y sommes. Et le spectacle est tout simplement inimaginable.
Je vais quand même essayer : imaginez le bruit et l’odeur de centaines de milliers de fous de Bassan simplement séparés de vous d’une maigre cordelette. Imaginez une falaise qui plonge dans un abîme d’un bleu insondable. Imaginez être à portée de main de tous ces fous de Bassan… et qu’ils se contrefichent complètement de votre présence. Mais alors, rien à faire. Tout juste une rencontre nez-à-nez avec une maman Bassan en me haussant au-dessus d’une palissade m’aura valu un regard courroucé, mais à part ça… Ils s’en fichent tellement que la colonie est en pleine croissance : 3 % par an, et on voit d’ailleurs les endroits où les infrastructures se font lentement rattraper par les fous qui s’installer autour au lieu de rester à bonne distance. Moi qui avais mes réserves sur ce tourisme animalier, je suis rassurée : la colonie va bien.
Sur place, un guide-interprète est là pour répondre à nos questions. Pourquoi ces combats de becs ? Pourquoi celui-ci donne l’impression de haleter ? Pourquoi celui-là se fait chasser de son nid ? Pourquoi cette mouette en camouflage au milieu des fous ? Nous sommes bouche bée devant ce spectacle qui dépasse l’entendement, et j’ai apprécié d’avoir un expert vers qui me tourner pour tenter de saisir un peu le chaos organisé sous mes yeux.
En observant un peu les photos, vous apercevrez des poussins… Les fous sont là pour nicher, et la vue des poussins tout frêles rend le tableau encore plus émouvant. Il faut savoir qu’hormis quelques renards et de maudites mouettes, les fous n’ont pas de prédateur sur l’île, ce qui en fait un véritable sanctuaire. À nouveau, la population est en pleine croissance – et part de loin, puisqu’il n’y avait que 3 000 oiseaux sur l’île à la fin du XIXe siècle ! – c’est tellement réjouissant.
Nous arrivons à la fin de notre excursion, il faut rentrer. Le parc national n’abrite pas d’hébergement sur l’île, et c’est bien dommage (même si on comprend bien… Oiseaux + falaises + touristes éméchés, je ne vous raconte pas le tableau…). J’envie les guides-interprètes qui travaillent dans un lieu aussi exceptionnel, un cadre aussi serein.
Infos pratiques
- pour admirer le rocher Percé, il suffit de se balader le long de la plage à Percé ou de suivre la route vers le promontoire. En voiture, on peut aussi aller à la plateforme panoramique du Géoparc de Percé, à laquelle nous avons dû renoncer par manque de temps..
- on peut rejoindre l’île grâce aux Bateliers de Percé ou aux Croisières Julien Cloutier. Nous avons bénéficié de la croisière « Tour de l’île » de ces dernières : une heure pour rejoindre l’île en passant près du rocher et sous les falaises du côté inaccessible de l’île, puis 15 minutes pour rentrer. Comptez 35 $/adulte et 15$/enfant de 6 à 15 ans pour cette croisière, ou 25 $/adulte et 15 $/enfant pour une traversée directe.
- l’entrée sur l’île est payante : 8,60 $/adulte et gratuit pour les moins de 17 ans. À noter, le pass Découverte Parcs Canada n’est pas valable ici puisque c’est la SEPAQ qui gère les lieux.
Réservez votre séjour en Gaspésie en ligne
Pour cette chronique, nous avons été les invitées des croisières Julien Cloutier pour la traversée et de Québec Maritime pour l’entrée au parc national du Rocher-Percé-et-l’Île-Bonaventure et les en remercions. Cette chronique contient un lien affilié : le prix ne change pas pour vous, mais votre réservation me donne un coup de pouce financier. Merci !
Ah bien moi, je savais que le clou d’un voyage pouvait être d’aller voir des oiseaux! 😉 Je remarque surtout que je connais (enfin!) une française qui mange à des heures raisonnables! Plus sérieusement, malgré mon amour pour la Gaspésie, j’avoue n’avoir encore jamais mis les pieds sur l’île. Grave erreur à corriger!
Elles sont super belles tes photos ! Et ce temps magnifique que vous avez eu c’est vraiment chouette !
Incroyable hein !! Il faut dire qu’on a eu un été exceptionnel ! Le meilleur que j’aie vu en quatre ans, et à en croire les Canadiens, le plus chaud depuis… toujours. Oups. Vive le réchauffement climatique ?
[…] est à 360 degrés. L’horizon du golfe du Saint-Laurent, le bout de la péninsule, l’île Bonaventure et le rocher Percé au loin, des millions d’arbres, tout est là. J’en ai même pris […]