Au printemps dernier, en avril 2017, je me lançais dans une aventure un peu folle : je décidais de retaper un van. Une vieille carcasse un peu rouillée, que j’ai évidée, aménagée, bichonnée. On a vécu des aventures, tous les deux. Aujourd’hui, en septembre 2018, je viens de voir mon Vanounet chéri suivre sa route vers d’autres horizons.
J’ai la gorge serrée en écrivant cette chronique mais dans une blogosphère où on a tendance à gommer les difficultés, les écueils et les échecs, il me semblait important de parler des projets qui ne se passent pas comme prévu. Je suis coupable comme le reste, ne serait-ce parce que j’ai eu tendance à enjoliver un peu les choses l’an dernier, alors que je croyais que les difficultés ne seraient que passagères. Je vous explique pourquoi, finalement, j’ai vendu mon van adoré, et comment vendre son van au Canada (à la fin de l’article pour les pressés).
Un vieux van, le bon plan ?
J’ai acheté mon GMC Vandura de 1990 pour une bouchée de pain. C’est sûr que 2500 $ (un peu moins de 2 000 €) pour un utilitaire en état de marche, c’est assez imbattable. Le van marchait du tonnerre les premiers mois, aucun problème. Jusqu’au jour où…
…où on s’est rendu compte que le van avait quand même un peu tendance à vider bien souvent la batterie. Si on le laissait plus d’une semaine sans l’utiliser, la batterie tombait à plat. J’avais toujours un peu d’appréhension en tournant la clé dans le contact loin de la maison, de peur qu’il ne redémarre plus. Le précédent propriétaire avait été un peu créatif dans ses branchements, tout était relié à la batterie, tout tirait dessus jour et nuit. On a beau eu déconnecter des câbles, rien n’y faisait : j’ai passé quatre batteries en un an et demi. Une batterie, c’est fait pour durer cinq ans, en temps normal. Je mettais ça sur le compte de la malchance pour faire jouer la garantie auprès de mon garagiste, qui avalait mes couleuvres tout en me proposant une carte de fidélité. J’ai même fini par apprendre à changer moi-même une batterie de voiture (#girlpower).
Le coût de l’entretien était aussi exorbitant. Chaque visite pour la batterie me valait des réparation supplémentaires (ou alors, mon garagiste était un escroc). Au Canada, le contrôle technique a lieu tous les ans. Inutile qu’il soit refait juste avant l’achat du véhicule : il suffit qu’il soit en cours de validité pour acheter un véhicule, et je n’ai pas jugé bon faire inspecter Vanounet avant de l’acheter. Au vu de la facture démentielle de mon contrôle technique cette année, surtout par rapport au peu dont je m’en suis servie, je présume que le précédent proprio avait eu un contrôle technique de complaisance et j’en ai payé le prix. Financièrement, je ne pouvais tout simplement pas mettre 3 000 $ par an juste pour réparer, encore et encore, un vieux van qui n’a plus que quelques années devant lui.
Avoir choisi un van avec un gros kilométrage pour une mise de fonds initiale moindre m’a clairement rattrapée. Je sais que cela tombe sous le sens et que ce n’était pas la décision financière la plus avisée, mais j’aimerais rappeler qu’au Nouveau-Brunswick, le choix de vans n’est pas exactement pléthorique comme il peut l’être à Montréal. Mon panel de vans potentiels se limitait à deux ou trois. J’aurais pu ne rien acheter et attendre un peu pour trouver un van en meilleur état, mais soyons aussi honnête… quand je veux quelque chose, je veux quelque chose !
Et honnêtement, on s’est quand même amusés comme des petits fous !
Entre retaper et rouler, mon coeur balance
À bien y réfléchir, j’ai sans doute plus apprécié de retaper Vanounet que de l’utiliser. Je ne dis pas que je n’ai pas aimé campé avec : j’ai adoré camper avec, voyager avec mon chien pour une semaine en Acadie, multiplier les week-ends dans les bois, aller faire un road-trip à Terre-Neuve. J’adorais ce van, son odeur de bois et ses suspensions un peu acrobatiques. J’ai eu des frayeurs dans une descente gigantesque à Gros-Morne, j’ai eu des misères avec la batterie évidemment, mais l’an dernier, avant que les frais ne s’accumulent et que je n’ose plus rouler avec de peur de tomber en panne, je me suis éclatée. L’exaltation en tournant la clé au départ de micro-aventures… Voir mon chien s’installer à SA place sur le lit et prendre la route… Une joie renouvelée.
Mais rénover ce van… ça dépassait tout. Le maniement des outils. Toute la sueur, toute la réflexion, tout l’ouvrage aussi, ces dizaines et dizaines de soirées passées à imaginer, visser, scier, couper, monter, dévisser, isoler, imaginer, rêver. C’est cette expérience qui fait que je ne regrette en rien d’avoir acheté ce van.
C’est une sorte de constante, chez moi : j’ai tendance à préférer le processus au résultat. L’expérience à l’objet. J’adore les ateliers créatifs, aller faire de la poterie, du dessin, une soirée d’atelier floral. Offrez-moi un atelier où je puisse me salir les mains, et je suis la plus heureuse du monde. Ce n’est pas pour ramener un résultat tangible à la fin – à la rigueur, je me moque même éperdument de ma création. Ce que je veux, c’est mettre les mains dans le cambouis, apprendre à faire quelque chose, sans forcément avoir envie d’un trophée. Vanounet n’a pas fait exception.
Et pour me salir les mains, je me suis salie les mains avec ce van ! Des centaines d’heures de retape.
Passer le flambeau
Le déclic qui qui m’a véritablement décidée à vendre, c’est le contrôle technique dont je parlais plus haut. Si le van ne le passait pas, il ne me restait plus vraiment d’autre option que de le céder à un ferrailleur. Cela va peut-être vous sembler orgueilleux, mais j’avais passé tellement d’heures et mis tellement de coeur dans mon petit Vanounet que je ne voulais pas l’envoyer à la casse.
Dans mon rêve de van, en plus des kilomètres avalés en été, de la #vanlife et de la liberté, il y avait aussi, un jour, l’idée d’en faire profiter d’autres voyageurs. Mon idée première, qui était de le mettre à la retraite sous forme de location AirBnB dans un coin de champ, s’est vite avérée irréalisable : les terrains sont certes bon marché au Nouveau-Brunswick, mais c’est surtout parce que ce sont des forêts sont à défricher ! J’aurais volontiers relevé ce défi à un autre moment, mais cette année, je ne me voyais pas aménager une clairière dans une forêt… Sans compter que malgré tous mes efforts, un van perdu au milieu du Nouveau-Brunswick n’aurait sans doute pas attiré grand-monde.
Dans mon rêve de #vanlife, je passais le flambeau à un autre aventurier qui ferait vivre de nouvelles aventures à ce petit van qui mérite de rouler. Vendre le van au kilo serait revenu à envoyer un animal de compagnie à l’abattoir, et je m’y refusais. J’ai finalement trouvé un voyageur-mécano qui voulait un « projet de bricolage », et se voyait déjà y aménager une cuisine. Je projette peut-être légèrement trop, mais c’est comme avoir trouvé une nouvelle famille à mon van, et je suis sûre qu’il sera heureux et qu’il continuera de voir de nouveaux horizons. Oui, je considère complètement Vanounet comme un membre de la famille avec sa personnalité et ses aspirations !!
Vanounet : « je veux reprendre la route !! »
Vendre son van, vendre ses rêves
Avec mon van, c’est plus que du métal qui s’en va. Ce sont aussi tous les projets, tous les espoirs et tous les rêves que j’y avais attachés. Traverser le continent lors d’un road-trip jusqu’à Vancouver, ou pourquoi pas l’Alaska. Vivre en nomade sur la route, en traduisant depuis mon petit camion. Laisser la maison comme bon me chante pour aller sillonner les routes.
Ces projets n’auront pas lieu dans l’immédiat. Mon rêve de pouvoir exercer mon activité professionnelle depuis n’importe où s’est vite heurté aux problématiques du territoire canadien ou à mes propres limites. Avoir Internet au milieu de la forêt, c’est mission impossible – le pocket wifi ne marche qu’en présence de réseau mobile, et du réseau mobile il n’y en a pas partout au Canada, croyez-moi. J’ai aussi appris que j’avais une SAINTE HORREUR d’utiliser la batterie secondaire de mon van, celle qui aurait dû m’apporter l’autonomie nécessaire pour mon ordinateur portable : je la surnommais affectueusement « la bombinette » et je croisais les doigts pour ne pas retrouver le van en cendres après une balade. Et puis, traverser le continent avec ce véhicule m’aurait sûrement coûté l’équivalent d’un compte-épargne en essence, compte tenu des performances de ce van d’une autre ère énergétique.
Un autre facteur qui a précipité la chute de Vanounet, c’est notre achat immobilier en décembre 2017. Beaucoup d’économies et de temps y sont passés. L’ironie de la situation ne m’échappe pas : j’ai troqué le nomadisme pour la sédentarité. En achetant cette maison, j’ai sûrement cloué au sol les ailes que j’avais commencé à déployer au printemps 2017. La maison est devenue ma priorité, je n’avais plus de ressources (financières, physiques, mentales…) à consacrer à mon petit van. Les choses auraient sûrement été différentes sans cet achat. Je me console en me disant que notre maison, c’est du long terme, tandis que Vanounet n’aurait de toute façon eu qu’une espérance de vie limitée entre mes mains.
Je mentirais en disant que je n’ai pas l’impression d’avoir un peu échoué. J’ai l’impression de trahir un peu mes envies de voyage au long cours. Mais j’ai aussi tendance à penser que Vanounet était peut-être le van parfait pour moi pour ce qui est de retaper, mais pas de vraiment sillonner les routes. Est-ce j’aurais dû m’entêter plus, le bichonner plus, m’accrocher à mes rêves ? Je ne les ai pas perdus, simplement un peu retardés. Je n’ai certainement pas abandonné mon projet de traverser le continent par voie terrestre. En fin de compte, Vanounet n’était que le moyen de décrocher ces rêves, pas le rêve en lui-même.
Oui, je ressors cette photo dès que j’en ai l’occasion.
Un van, la meilleure option pour nous ?
Être allée au bout du cycle de vie du van dans notre foyer m’aura amené à plusieurs conclusions :
Aussi bon marché soit-il, un véhicule reste toujours cher à l’entretien et à l’usage, surtout s’il est vieux (je sais, c’est l’évidence même. Mais je n’ai pas une grande expérience des voitures…). Je sais que je parle beaucoup d’argent dans cette chronique, mais j’aimerais que vous compreniez vraiment que Vanounet a été un gouffre financier. Nous avons sûrement meilleur temps d’économiser et de louer un van ponctuellement au lieu d’assurer et de garder un van à temps plein alors que la fenêtre d’utilisation est de 4 mois maximum au Canada.
Comme je le disais dans cette chronique sur les avantages et les inconvénients des vans, le van n’est peut-être pas le système idéal pour nous. Malgré toute la liberté qu’il offre, l’idée de devoir toujours, toujours me déplacer avec ma « maison » m’embête. Lors de notre semaine dans le Maine avec Etienne, nous avons loué une petite cabane et pouvions sans problème vaquer à nos occupations chacun de notre côté si nous n’avions pas les mêmes envies. Avec un van, il faut être raccord tout le temps, et ça ne correspond pas à notre style de voyage.
D’autres options pourraient s’offrir à nous : tente-roulotte (une sorte de remorque qui s’ouvre en tente), tente de toit (mais comment l’utiliser avec le chien ?)…
Et maintenant ?
Maintenant, je vais attendre sagement et réfléchir. J’ai abandonné l’idée de travailler littéralement sur la route, mais pas celle de voyager en toute liberté. J’ai laissé partir Vanounet, mais je n’ai pas abandonné mes envies de création. C’est qu’on y prend goût. Mon vaisseau m’a quitté, mais la vanlife continue, et j’y reviendrai, c’est une certitude. Quant à la créativité, je me vois construire une mini-maison d’ici quelques années, quand j’aurai les épaules assez larges pour défricher une clairière dans un bois canadien. D’ici là… place à d’autres voyages, d’autres horizons, évidemment.
Conseils pour vendre son van au Canada
Je terminerais avec quelques conseils pour vendre son van au Canada, histoire de vous faire profiter de mon expérience.
- Le mettre en vente sur Kijiji et sur le Marketplace de Facebook : j’ai trouvé mon acheteur sur Kijiji, mais j’ai eu énormément de contacts via Facebook. J’ai publié mon annonce autant sur le Marketplace que sur des groupes spécifiques, comme « Campeurs à vendre au Québec », « Class B vans for sale – North America » ou encore le groupe de vente d’automobiles de Moncton.
- Fixer un prix raisonnable mais avec une bonne marge de manoeuvre. Les gens ont tendance à proposer directement la moitié du prix affiché, même sans l’avoir vu… puis à négocier une fois en personne. C’est ainsi que j’avais fixé le prix de départ à 5 000 $ en espérant en tirer 4 000… Mais tout le monde m’en proposait 1 000 ou 2 000 $ !! J’ai dû à la fois baisser mon prix de départ et faire preuve de fermeté dans l’annonce en précisant « offres sérieuses uniquement » pour qu’on m’en propose un prix correct. Au final, Vanounet est parti pour 3 200 $, et j’en suis satisfaite.
- Être honnête. Mon acheteur est la personne avec qui que j’ai été la plus honnête, et ça c’est sûrement ressenti. Ne pas mentir sur les éventuelles réparations à prévoir, ne pas se voiler la face sur l’état du véhicule. Je lui ai même dit que j’avais préféré le retaper que rouler avec !
- Vendre au bon moment : Vanounet est resté en vente deux mois. La période idéale pour vendre son van, c’est vers avril-mai, mais la concurrence est alors plus rude. N’espérez pas vendre ou acheter avant, il y a encore de la neige et les vans sont généralement encore au remisage. Vers juillet, il est encore temps… mais une fois en août, nous ne sommes plus en position de force : sauf si les acheteurs sont en partance pour le sud, ils achèteront un van qui ne servira que quelque fois avant de devoir le remiser pour l’hiver. Ce coût de remisage va faire baisser le prix du van.
- Si vous lisez ces lignes dans l’espoir d’acheter un van, sachez que les groupes Facebook et forums de PVTistes offrent de très belles occasions, les vendeurs étant pressés de vendre avant de repartir vers d’autres horizons.
Et voilà, l’aventure Vanounet, c’est fini ! Et vous, vous vous êtes déjà attaché.e.s à un véhicule ? Vous avez déjà vendu un van au Canada ? Racontez-moi tout ça !
Ce n’est pas vraiment un échec mais une aventure qui ne s’est pas passé comme tu l’imaginais ! ça t’as servi, tu t’es éclatée et dépassée en le retapant, et tu as réussi à le revendre à un prix que tu estimes correcte alors moi je dis bravo. La #vanlife ce n’est pas pour tout le monde… Maintenant tu es bien rodée pour travailler dans votre nouvelle maison 😉 (félicitations!).
Merci pour ces gentils mots ! Comme le disait un copain, finalement, l’échec ça aurait été d’en rêver sans rien faire… au moins j’aurais essayé ! Et gagné des petites compétences en chemin, tout n’est pas perdu 🙂
Tu as vécu un super moment et appris tant de choses, cela ne peut absolument pas être considéré comme une erreur! Et on apprend toujours de ses échecs. Je trouve que tu as fait un boulot énorme, que vous avez su en profiter comme vous avez pu et que tu en tires de belles leçons.
Vive les nouvelles aventures!
Merci Julie, j’apprécie tes mots 🙂 Ta dernière phrase fait écho à un questionnement récurrent : est-ce que finalement, plutôt que la continuité, je cherchais surtout l’élan de la nouveauté, quitte à me lasser très vite ?
Ce post me conforte dans l’idée que le bonheur, c’est de le chercher 🙂
Je crois que mon commentaire d’il y a deux jours n’est pas passé : je te disais avec quel bonheur je te lis toujorus, car tu es extrêmement sincère, sensible et juste dans ce que tu racontes, parce qu’il y a une façon chez toi d’évoquer tes états d’âme et doute avec beaucoup de vérité et la bonne distance. Je te lis toujours avec un grand plaisir. Rien que pour ce bel article, l’aventure valait le coup.
Merci Alexandra, tes mots me vont toujours droit au cœur 🙂 Vous lire tous m’offre du réconfort et me donne des ailes pour une prochaine aventure.