En ce mois de février 2022, j’ai eu le plaisir de co-animer le rendez-vous En France Aussi aux côtés de Paule-Élise du blog 1916 kilomètres et de Delphine du blog In Rando Veritas, sur une idée originale de cette dernière : parler du matrimoine, c’est-à-dire de toutes ces femmes qu’elles soient artistes, scientifiques, ouvrières, célèbres ou non, et qui ont marqué d’une manière ou d’une autre leur époque ou leur territoire. Souvent invisibilisées par l’Histoire dominante, présentée d’un point de vue masculin, les femmes ont pourtant apporté leur contribution à la marche de leur société. Un sujet qui me tient à cœur, et pour lequel j’ai voulu aller un peu plus loin. D’où l’idée de créer une série d’illustrations pour tirer le portrait à plusieurs des femmes que mes acolytes allaient mettre en lumière. J’avais envie de faire d’une pierre deux coups et en profiter pour répertorier toutes les belles contributions qui mettent en avant des femmes trop souvent méconnues. J’ai un peu raté le coche de la journée du 8 mars millésime 2022 mais si vous le voulez bien, pardonnez-moi ce retard et, toutes proportions gardées, acceptez ce billet comme ma pierre à l’édifice de cette journée de militantisme.
Avant toute chose, pourquoi des illustrations ? Et bien, il se trouve que j’aime dessiner, et que j’avais envie d’un petit défi à la Inktober (défi qui consiste à réaliser un dessin par jour au cours du mois d’octobre, et à publier le résultat sur Instagram, comme de bien entendu). J’avais envisagé quelque chose de totalement différent mais la perte de ma petite chatte adorée en janvier, emportée par son insuffisance rénale à 14 ans, m’a mis un sérieux coup au moral qui a ralenti les choses. Au lieu de belles aquarelles, je me suis donc tournée vers des illustrations faites main à l’encre que j’ai ensuite bidouillé dans Krita, un logiciel de dessin gratuit que j’aime beaucoup. En guise d’inspiration, des recherches en ligne pour trouver les portraits de ces femmes d’exception. Les différentes blogueuses m’ont fourni la photo d’arrière-plan correspondant à la femme qu’elles mettaient en avant, et je les en remercie. Au final, un rendu en noir, blanc et or qui, je l’espère, donne une certaine gravité à ce projet et vous donnera envie d’aller plus loin en lisant le blog concerné.
Vous trouverez toutes mes illustrations sur ce thème, et d’autres, sur mon compte Instagram de dessin @monachopsis_illustration.
Anna de Noailles
Princesse franco-roumaine issue du faste opulent de la Belle Époque, Anna de Noailles (1876-1933) était l’une des poétesses les plus respectées de son temps. Elle tient des salons littéraires, voit son premier recueil de poèmes encensé par l’Académie française et fonde l’ancêtre du prix Fémina. Sa poésie lyrique exalte les charmes du lac Léman, en Haute-Savoie, où elle a grandi, avant de se tourner vers des thèmes plus sombres comme les regrets et la mort.
Pour en lire plus sur son histoire et ses poèmes, je vous invite à relire mon billet ici.
Jeanne Hachette
Connaissez-vous l’autre Jeanne ? Pas Jeanne d’Arc, mais Jeanne Hachette, héroïne de Beauvais ? En 1472, Beauvais est assiégée par les Bourguignons. La ville est en train de faiblir quand une certaine Jeanne Laisné, ou Jeanne Fourquet, s’empare d’un étendard bourguignon, hachette à la main, et redonne courage aux habitants. Beauvais est sauvée ! On doute parfois de l’existence de Jeanne mais elle est un symbole fort de bravoure et de force, des qualités assez rares dans la représentation historique des femmes.
Relisez son histoire et les traditions qui lui sont attachées depuis quasiment 550 ans à Beauvais sur le blog In Rando Veritas.
Rosa Bonheur
Rosa Bonheur (1822-1899) était une peintre hors normes : elle portrait l’habit masculin, vivait avec d’autres femmes sans être mariée et surtout, elle s’est imposée dans le domaine de la peinture animalière en peignant de belles scènes naturalistes de chevaux forts et puissants à une époque où les femmes peintres étaient cantonnées aux petits animaux mièvres. À travers la visite du château de By, à Thomery (région parisienne), Paule-Élise du blog @1916kilometres nous fait redécouvrir l’histoire de cette peintre adulée de son vivant et passée aux oubliettes de l’Histoire en moins d’un siècle. Vie professionnelle et vie privée, tout semble étonnamment moderne chez Rosa Bonheur.
Pour la visite du château de Thomery sur les traces de Rosa Bonheur, filez sur le blog 1916 kilomètres.
Camille Claudel
Camille Claudel (1864-1943), modèle puis collaboratrice et rivale de Rodin, est l’autrice de certains chefs-d’œuvre de la sculpture de la Belle Époque, comme son envoûtante Valse. Sa vie prend un tour malheureux quand sa famille la fait interner pendant 30 ans dans un hôpital psychiatrique. L’abondante correspondance qu’elle a envoyé à ses proches à l’époque les supplie de la faire libérer et parle d’un long cauchemar et surtout de liberté. La citation que j’ai choisie n’y fait pas exception : elle a vécu dans un monde « si curieux et si étrange » pendant trois décennies. Je ne peux qu’imaginer la folie dans laquelle elle a dû sombrer en ne voyant pas d’issue.
Pour en savoir plus sur elle, direction le blog Tours et Culture.
Jane Avril
Jane Avril (1868-1943) a été sauvée par la danse. Née hors mariage au XIXe siècle, elle subit une mère abusive avant d’être internée contre son gré à l’hôpital de la Salpêtrière, à Paris. Un endroit effroyable où les patientes sont maltraitées et retenues de force. Un destin qui aurait pu finir comme celui de Camille Claudel… À l’occasion du bal des folles, bal annuel où les gens de dehors se mêlent aux patientes, elle se découvre une passion pour la danse qui l’emmènera jusqu’au Moulin Rouge. Elle est respectée et appréciée, et c’est une belle revanche.
Le blog Tu Paris combien détaille davantage son parcours et l’horreur des asiles du XIXe siècle sur son blog.
Les alpinistes au féminin
Les femmes alpinistes ont elles aussi ouvert des voies, au sens propre comme au figuré. La première à être restée dans les annales, Marie Paradis, a certes gravi le Mont-Blanc en 1808, mais on lui préfère Henriette d’Angeville (1794-1871) qui répéta son exploit en 1838, mais sans aide (avec une cordée quand même, hein).
J’en profite pour vous parler d’une de mes idoles, Marie Marvingt (1875-1963). Non contente d’être alpiniste et d’avoir réalisé la première traversée Charmoz-Grépon dans le massif de Chamonix, elle était aussi skieuse, patineuse, aviatrice, inventrice de l’aviation sanitaire, Poilue (elle se fit passer pour un soldat dans les tranchées), infirmière… Le genre de destin ébouriffant qui mérite d’être plus connu.
Je termine avec Catherine Destivelle (née en 1960), qui a contribué à populariser l’escalade. Grimpeuse émérite, elle se tourne vers l’alpinisme avant de revenir vers l’escalade en solitaire. Elle fut la première à gravir les trois grandes faces nord des Alpes en hiver en 1994.
Pour découvrir d’autres femmes de l’extrême, filez sur le blog Les aventures d’Arthur et Thibaut.
Alexandra David-Néel
Alexandra David-Neel (1868-1969) incarne sûrement l’exploratrice du début du XXe siècle par excellence. D’abord chanteuse d’opéra, elle se passionne pour le bouddhisme et s’y convertit dès 21 ans. Elle voyage en Europe, en Inde. Mon anecdote préférée à son sujet remonte à 1911 : elle annonce à son mari qu’elle part en voyage pour 18 mois, mais ne reviendra qu’au bout de 24 ans ! J’adore.
J’aime un peu moins « l’exploit » pour laquelle elle est la plus célèbre, à savoir son entrée en douce dans Lhassa et le Potala alors interdits aux Occidentaux. Il est révélateur d’une certaine mentalité de conquête de l’époque, quitte à fouler aux pieds les autres cultures. Je préfère garder d’elle ses errances ascétiques, sa grande indépendance d’esprit et son polyglottisme, puisqu’elle parle couramment tibétain.
Pour partir sur les traces d’Alexandra David-Neel à Digne-les-Bains, filez sur le blog de Seniors en vadrouille.
Agnès Sorel
Agnès Sorel (1422-1450) était la favorite du roi de France Charles VII. On pourrait voir dans ce statut une sorte de parvenue qui a couché pour réussir, mais pour rester à ce niveau du royaume, il fallait de la finesse, s’attirer les bonnes grâce des conseillers, rester populaire, bref il fallait être doué en politique. Bien sûr, elle aura sûrement coûté cher au peuple par ses goûts de luxe et mourut probablement empoisonnée à 29 ans, mais telle était la vie à la cour au XVe siècle…
Retrouvez-en plus sur sa vie à travers le château de Loches sur le blog Tours et culture.
Violette Leduc
Violette Leduc (1907-1972) est née hors mariage à une époque où cela ne se faisait pas. Marquée à vie par ce qu’on appelait alors sa bâtardise, elle sublima sa condition à travers des écrits à vif. Elle brise de nombreux tabous bien avant l’heure, entre son avortement en 1939 et des relations avec d’autres femmes – elle est notamment éprise de Simone de Beauvoir. Ses romans et autofictions comme La bâtarde ou Ravages rencontrent un succès d’estime et en font une écrivaine incontournable du milieu du XXe siècle.
Découvrez sa vie à travers la visite de Faucon, village du Vaucluse où elle passa la fin de sa vie, sur le blog Martine Passion Photos.
Ce n’est pas tout !
J’ai beau avoir manqué de temps pour dessiner toutes les contributions à ce thème important, voici d’autres femmes à découvrir :
- Delphine de Signe, une authentique sainte
- Louise de Bettignies, résistante pendant la première guerre mondiale
- Clémence Isaure, fondatrice des jeux floraux de Toulouse
- Coco Chanel, la mode au service des femmes
- Vinie, artiste urbaine à Mulhouse
- Street art au féminin dans les rues de Paris
- Reines et princesses de France à la Basilique Saint-Denis
- Les Alsaciennes et leur costume traditionnel
Anne de Bretagne et Louise de Bettignies, deux illustrations que je n’ai pas eu le temps de finaliser…
J’espère que ce petit tour d’horizon aura piqué votre curiosité ! Le matrimoine est un outil important du féminisme, et nous nous devons de ne rien céder à ceux qui, parmi les hommes, s’approprient les découvertes des femmes ou voudraient nier leurs contributions à la société. Voici d’ailleurs quelques livres qui en parlent :
- Mère-Lachaise de Camille Paix, aux éditions Cambourakis : cent portraits de femmes inhumées au Père-Lachaise (à paraître en avril)
- Les grandes oubliées : pourquoi l’Histoire a effacé les femmes, de Titiou Lecoq, aux éditions l’Iconoclaste
- Les femmes aussi sont du voyage, de Lucie Azema, aux éditions Flammarion
Et vous, connaissiez-vous ces femmes ou le concept du matrimoine ? Quelle grande oubliée mériterait de sortir des oubliettes de l’Histoire, selon vous ? Si j’ai manqué votre participation au thème #matrimoine d’En France Aussi, laissez-moi un message pour que je vous ajoute dans ce répertoire. Je vous attends dans les commentaires !
c’était une super idée de thème, merci pour toutes ces découvertes!
ouaouh, je suis impressionnée par tes dessins, une belle mise en avant de toutes ces femmes, merci Audrey
Le rendu est top ! Tu rends bien honneur à ma Jeanne Hachette !
Quel boulot ! Merci et bravo à toi Audrey.
Bravo pour ce superbe travail ! Tes illustrations sont superbes, j’aime bien ce trait simple, épais de noir qui leur donne du caractère, comme ces femmes ! 😀