La montagne en hiver est intimidante : glacée, dangereuse, elle semble inaccessible à moins de posséder un équipement spécialisé. Pourtant, nos belles montagnes regorgent de sentiers parfaitement accessibles en famille pour prendre un bon bol d’air frais au prix d’efforts modestes. Voici une de mes petites randonnées de prédilection en hiver au-dessus d’Evian : le tour du mont Bénand à Bernex, une randonnée courte, facile et extrêmement gratifiante. Par ciel dégagé, on peut y admirer le lac Léman dans toute sa splendeur, et quand le brouillard recouvre la plaine, ce sont les sommets des Alpes et du Jura qui prennent le relais sur le devant de la scène. Enfilez une veste de ski et des bottes imperméables, munissez-vous à la rigueur d’un bâton de randonnée : il ne vous faut pas plus d’équipement pour cette balade de deux heures grand maximum dans les alpages enneigés des contreforts des Alpes.
Cette randonnée d’environ deux heures est une excellente façon de prendre un peu de hauteur pour admirer des paysages fabuleux sans trop d’efforts. Je vous la conseille tout particulièrement si vous êtes en famille, car cette boucle d’environ 6 km offre peu de dénivelé et plusieurs endroits où faire de la luge !
Si vous êtes de passage dans la région et que la conduite de montagne n’est pas votre fort, le plus dur de cette randonnée sera probablement la route sinueuse qui mène au hameau de Creusaz, toute en épingle à cheveux et d’une largeur très discutable pour une route à double sens. Votre objectif : le restaurant d’altitude l’Alpage, où vous pourrez stationner sans problème. Pour prendre le chemin pour le mont Bénand, redescendez à pied vers l’entrée du parking, puis prenez la petite route qui part sur la droite. À l’embranchement non loin, prenez à gauche. Le sentier est bien balisé : suivez la direction « Croix du mont Bénand« .
Ce sentier est une boucle que je fais d’ordinaire dans le sens antihoraire, mais rien ne vous empêche de faire l’inverse. Dans le sens antihoraire, on commence par une vue sur les Mémises, cette barre rocheuse impressionnante qui définit le paysage au-dessus d’Evian. On voit bien son pic qui culmine à 1686 mètres. C’est difficile à imaginer, mais la station de ski de Thollon-les-Mémises se cache sur le plateau juste derrière le sommet. En toile de fond, les Alpes du Valais suisse. Si la mer de nuages est là, le lac Léman restera caché. Pour faire le sentier dans ce sens, c’est assez simple : suivez le chemin qui va tout droit.
Le sentier monte en pente douce à travers les alpages enneigés. Sauf chute de neige exceptionnelle, vous ne devriez pas avoir besoin de raquettes tant ce sentier est fréquenté. Mais de bonnes chaussures étanches sont de rigueur ! Laissez-vous émerveiller par les nuages qui cachent littéralement tout le lac. À droite, les Mémises : en face, les hauteurs de Lausanne ; à gauche, le Jura.
La croix qui marque le sommet du mont Bénand est légèrement en marge du sentier. Si vous faites la boucle dans le sens antihoraire, elle se trouve juste après le premier chalet sur votre route. Dans le sens horaire, elle est légèrement au-dessus du hameau de Bénand. J’ai été surprise de la trouve si petite lors de ma dernière visite : j’avais des souvenirs d’enfant d’une croix immense, difficile à escalader… Il faut croire que cela faisait longtemps que je n’étais pas venue. Puisque cette randonnée est courte, facile et proche de la maison familiale, elle a toujours fait partie de nos incontournables et j’étais très contente de la retrouver après trop d’années d’absence.
J’aime d’ailleurs beaucoup cette croix en fer forgé d’une grande finesse. Si le chemin est jalonné de panneaux d’interprétation sur la géologie du Chablais ou la faune des environs, rien n’est dit sur cette croix étonnamment luxueuse, loin des croix de bois qui parsèment habituellement le paysage alpestre. Du « sommet » de ce mont Bénand bien modeste, une vue quasi à 360 degrés vous attend. C’est une vue de Cocagne pour moi, une sorte de paysage idéal. Je me souviens qu’enfant, j’avais imaginé, avec ma meilleure amie, d’aller y camper toute une semaine. On aurait pris une tente et une caisse de côtelettes mais étrangement, nos plans ne prévoyaient absolument rien pour les faire cuire. Comme vous vous en doutez, aucune famille n’a autorisé deux gamines de 8 ans à aller camper une semaine sur le mont Bénand, et l’histoire en est restée là. J’irai peut-être y bivouaquer un jour ! Toujours est-il qu’en revoyant ces vallons, j’éprouve toujours une grande familiarité avec ces lieux, et le petit chalet au sommet restera sans doute l’image d’Épinal d’un ermitage paisible dans les alpages (peut-être pas si paisible en été !). Par beau temps, c’est aussi un coin de pique-nique idéal et il n’est pas rare d’y trouver d’autres randonneurs en train de grignoter leur sandwich sur le ciment ou les fesses dans la neige.
Le sentier se poursuit à travers les granges de Bénand, petit hameau de montagne que j’aime énormément. Ces granges témoignent de la vie des alpages, de ces Savoyards qui montaient autrefois leurs vaches à l’estive et vivaient en altitude. Lors de ma venue en décembre 2021, certaines granges semblaient avoir été rénovées récemment, pour mon plus grand plaisir. Mon espoir secret : qu’on y installe un jour une petite buvette… Je remarque d’ailleurs sur Google Maps que l’une des granges est un hébergement nommé Le Savoyen.
Juste après le hameau, c’est là que se trouve le meilleur endroit pour faire de la luge : une belle pente raide à dévaler à toute vitesse. Prenez à gauche après le dernier chalet pour entamer doucement le dernier segment du sentier. Si vous prenez à droite, votre boucle s’allongera considérablement et vous en serez quittes pour rentrer par la route étroite qui vous avait conduites à Creusaz. Cela dit, si les colombes des Alpes vous intéressent, l’un de leurs créateurs, Jean Bétemps, habite (habitait ?) justement au village de Bénand, au sommet de la route. Je ne saurais vous dire où, mais si vous l’osez, demandez aux habitants !
Le dernier segment est le plus spectaculaire à mon humble avis, et c’est pour cela que je préfère largement l’arpenter dans ce sens : en plus des Mémises, le panorama s’ouvre sur la Dent d’Oche du haut de ses 2 220 mètres d’altitude, et la pointe de Péluaz reconnaissable à sa remontée mécanique. Le sentier à plat n’offre aucune difficulté mais si d’aventure vous veniez en été, tenez bien votre chien car il est bordé d’une clôture électrique.
Et si comme nous, vous étiez ici pour fuir le brouillard en plaine, il y a des chances pour que la mer de nuages vienne vous taquiner en remontant doucement… Nous avons d’ailleurs fini notre randonnée dans la « gnolle » (la brume), heureusement fort lumineuse dans le soleil couchant. Le sentier à plat revient à l’embranchement du début et le stationnement n’est plus qu’à quelques centaines de mètres.
Seule déception de ce sentier en hiver : c’est quasiment un scandale quand on rentre de cette randonnée gelées et affamées, mais le restaurant l’Alpage n’est hélas ouvert qu’en été. Gros gros manque à gagner pour les restaurateurs, je vous le dis ! Pour un bon chocolat chaud, il faudra redescendre à Bernex, voire Evian (chez mon chouchou Comptoirs d’Arômes !).
Infos pratiques
- Longueur : 6 km
- Durée : 1 h 30- 2 h
- Dénivelé : 100 mètres
- Type : boucle, alpages
- Difficulté : facile
- Accès : stationnement à côté du restaurant L’Alpage au hameau de Creusaz, 2360 route du Mont Bénand
- Chiens autorisés. Attention aux clôtures électriques l’été.
Comment prononcer les noms savoyards ?
J’aimerais vous donner une règle infaillible mais les noms savoyards sont traîtres. En général, la finale « z », « x », voire « az » ne se prononce pas.
- Bernex : bèrnèxe (même si les vrais de vrais disent « bèrné », mais c’est assez rare)
- Creusaz : creuse
- Péluaz : pélua
- Beunaz : beune (le « eu » de « glorieux » et non de « jeune » – sauf si vous êtes Lyonnaise)
- Avoriaz : avoria
- Chamonix : chamoni
- gnolle : rime avec « gaudriole » et non avec « gnôle »
Aller à Bernex
Depuis Evian, ne faites pas confiance à Google Maps, sauf si vous avez envie de passer par des raidillons insensés (je vous regarde, l’avenue de Valère et le chemin de chez Potruz !). Le plus simple reste de prendre l’avenue de Milly, puis la route de la Corniche (D21) jusqu’à Saint-Paul-en-Chablais, et ensuite de suivre les panneaux pour Bernex. À Bernex, prendre la route de la Dent d’Oche puis la route du mont César. Attention, ça va tourner raide ! Le restaurant l’Alpage est au bout de la route.
Où dormir à Bernex
- Si vous aimez les granges du mont Bénand, pourquoi ne pas essayer de passer la nuit dans l’une d’elles : c’est possible au chalet Le Savoyen.
- Un peu plus facile d’accès, le chalet gîte Titlis est tout indiqué puisqu’il est justement au village de Bénand, sur les hauteurs de Bernex.
Inscrivez-vous sur AllTrails pour plus d’infos sur ce sentier
Et vous, connaissez-vous le mont Bénand ou de belles randonnées à faire en hiver dans les Pré-Alpes ? Vous saviez déjà vu la mer de nuages d’aussi près ? Je vous attends dans les commentaires ! Oyez, oyez. Ce billet contient des liens affiliés.
Une magnifique balade visuelle, merci pour les photos !
Très belle randonnée, la couche de nuages donne un aspect cotonneux des plus agréables à voir. La Savoie me manque, même si je connais bien plus la Savoie que la Haute-Savoie. Je me rappelle encore de ces étés à faire une randonnée pour voir un corps de ferme encore habité à l’année, où le propriétaire descendait parfois dans la vallée l’hiver en parapente. 🙂
Habiter en montagne à l’année, un style de vie que j’envie mais qui doit être rude ! J’en rêve parfois…
C’est vrai que ça m’intimide un peu la rando avec la neige ! J’ai toujours peur de glisser sur la neige bien tassée. Je comprends que tu apprécies cette balade, qui permet rapidement de changer de décor et de s’évader. Tu me donnes une raison de plus d’aller vivre en montagne (c’est une idée qui me trotte depuis quelques temps mais j’ai peur de ne pas trouver un boulot qui me plait).
Pour être honnête, c’est vivre au Canada, où la neige est constante chez moi de janvier à avril, qui m’a aidée à dédramatiser les randonnées dans la neige – j’en faisais très rarement quand j’habitais en France, ou alors avec des raquettes. Maintenant, fastoche ! Si tu crains le côté glissant, il existe des petits crampons à glisser sous les chaussures pour 15 euros, c’est très pratique.
Bon courage pour ton projet d’installation à la montagne !
Ces paysages sont absolument incroyables ! Je ne connais pas du tout la Haute-Savoie mais tu me donnes envie d’aller randonner dans la neige. Malheureusement, elle n’est pas encore décidée à tomber à Edimbourg… Bises x
SI je ne m’abuse, vous aviez eu de belles chutes de neige l’an dernier, je croise les doigts pour que l’Histoire se répète !
J’adore quand tu nous parles savoyard (je me souviens que tu l’avais déjà fait, le post sur Evian, je crois !). J’aime tellement ta région natale, sa culture et ses paysages… j’aime tellement quand tu nous en parles, et nous aides à élucider les mystères vaporeux de la prononciation 😉